Editorial mensuel

L'ORIENT, C'EST TRÈS LOIN, MAIS...

L'Orient c'est très loin. Lorsque depuis cinq ans sont oubliés des médias mais surtout de nous mêmes chrétiens en Occident, les milliers de martyrs assassinés tout au long de cette courte période, non seulement en Syrie, en Irak, au Liban, en Égypte mais en Afrique , à cause de leur foi chrétienne par des islamistes ivres de fureur, nous entretenions artificiellement l'idée que l'Orient est lointain. Certes nous avons dans nos nations, surtout la France, fortement laïcisés, pensé   que Daech qui nous frappe durement depuis deux ans, s'attaquait surtout à  nos valeurs démocratiques et notre civilisation occidentale. 

Nous rappelions sur notre page FaceBook et notre Blog à propos de l'attentat de Nice, que cela était une faute de penser ainsi: Daech s'attaque à nos racines chrétiennes méprisées souvent en France par une ultra-gauche anticléricale. L'horrible preuve vient de nous être donné par l'assassinat d'un Prêtre Catholique dans sa propre Eglise et que nous devons compter parmi les nouveaux martyrs. notre Diocèse a ouvert il y a quelques semaines dans la page du blog de notre monastère Saint Michel les dyptiques de tous les nouveaux martyrs de l'Eglise d'Orient et d'Afrique depuis cinq années.pour qu'ils ne soient pas oublier. Ils sont plus de 1500 et nous n'avons pas tous leurs noms. Reconnaissons que pour la plus part d'entre nous cette addition de martyrs étaient située dans un Orient lointain. 

Le nom du Père Jacques s'ajoute aux leurs et tous ont arrosé de leur sang notre terre afin que celle-ci produisent des fruits spirituels; car redisons-le leur Martyr n'a qu'une seule signification : nous rappeler nos racines chrétiennes souvent oubliées dans un univers matérialiste dévorant et redonner de la ferveur à notre foi chrétienne . Nul ne peut servir deux maîtres à la fois Dieu et l'argent! 

Le Père Jacques est brusquement devenu cette passerelle qui manquait entre les chrétiens oubliés d'Orient et nous mêmes. 

Par les prières de Tes Nouveaux martyrs Seigneur Jésus Christ Sauve Ton monde. 

+Métropolite Michel Laroche.



Contre les attentats 
affirmons les racines chrétiennes de la France

Par le Métropolite Michel Laroche

La France est blessée, la France est meurtrie, les français plus que jamais doivent rester solidaires. 

« Lorsqu’un membre souffre tous les membres souffrent » (I Co XII, 26)

Avant toute chose je désire préciser que sous le vocable « Français » je compte tous nos concitoyens musulmans que Daech voudrait nous faire détester afin de nous diviser. Parmi les victimes du mois de novembre 2015 il y avait des musulmans. Il y en a sans doute à nouveau cette fois-ci. Dans les témoignages des survivants de Nice ayant frôlé la mort j’ai admiré Akim qui sur une chaine de TV témoignait de sa compassion pour les victimes et de l’horreur de cet attentat. Attention aux amalgames dangereux : musulman n’est pas synonyme de terroriste.

Souvenons-nous que dans notre propre histoire il a existé des interprétations fanatiques du christianisme qui aujourd’hui sont rejetées par l’ensemble des composantes du christianisme.

Le fanatisme Latin qui a décidé des croisades dans lesquelles sont assassinés et violés par les Croisés d’autres chrétiens, en 1204 lors de la prise de Constantinople ville chrétienne Orthodoxe. Ces Orthodoxes, ces chrétiens d’Orient, haïs à l’époque par les chrétiens latins, comme Daech aujourd’hui recouvre d’une haine semblable les musulmans français. Souvenons-nous du massacre de la saint Barthélémy des protestants de Paris par les catholiques ; souvenons-nous de l’inquisition espagnole. Nous avons eu nous aussi des interprétations fanatiques de nos textes les plus sacrés et nous nous sommes trompés. (Bien que de telles interprétations n’ont en réalité jamais existé dans l’Eglise d’Orient, elle-même victime comme nous l’avons écrit plus haut des croisades.)

Mais cela me permet d’ajouter que Daech ne vise pas que la France ; Daech veut détruire notre civilisation dont les racines sont incontestablement chrétiennes, et si certains d’entre nous l’oublient ou l’ont oublié, Daech frappe parce-que nous sommes à ses yeux des « roumis », c’est-à-dire de dans ce mot arabe qui est un dérivé du mot « romains » synonyme dans l’Empire Byzantin de chrétiens de l’Empire romain.

La véritable question se pose surtout en France dont la république laïque au grès des idéologies des partis qui la gouverne verse parfois dans l’antichristianisme primaire. Sans vouloir faire de politique, reconnaissons que dans certains partis politiques qui ne sont pas à droite, il existe un farouche courant antichrétiens. Ici encore je ne veux pas faire l’apologie d’un candidat en particulier, mais j’observe que l’un des seuls à revendiquer aujourd’hui les racines chrétienne de la France est à droite et pas à gauche. L’identité d’une nation est faite de son histoire, par son histoire. Et notre histoire avec la conquête de la démocratie, des parlements s’est réalisée avec l’Eglise et des monarques chrétiens qui réunissaient autour d’eux seigneurs et évêques pour promulguer des lois. Cette synergie entre l’Etat et l’Eglise, avec le rôle social des institutions religieuses qui avaient le quasi monopole des œuvres caritatives, s’est exercée sur une période de mille neuf cents ans ; alors que la séparation de l’Eglise et de l’Etat est récente : 1905. Nier ce fait par idéologie est bête.

Daech mise sur le fait que notre pays va de plus en plus progressivement nier ses racines chrétiennes. Soyons lucide : Notre démission du christianisme donne de la force aux islamistes fanatiques. Sur le plan de la foi, nous leur laissons le champ libre en ne proposant à notre jeunesse, éprise d’idéaux plus nobles, qu’une civilisation matérialiste. Nous, les Orthodoxes, avons été capable conserver notre identité différente de celle d’une civilisation musulmane, sur une très longue période sous le joug Ottoman, par notre participations aux offices dans l’esprit d’éternité de notre liturgie, dans ce temps transfiguré de la prière, par notre attachement à la Foi Chrétienne. Car pour nous « nation et Eglise » sont consubstantielles. Et cela est vrai, non seulement dans des nations qui ont connu l’occupation turque, comme la Grèce, la Serbie, la Bulgarie, la Roumanie, mais également pour l’Ukraine et la Russie.

Lorsque le Président Petro Porochenko de la république d’Ukraine commence durant la période pascal un discours, il n’hésite pas à dire en Ukrainien : « Christ est Ressuscité ! » et la foule de dizaine de milliers de personnes qui sont en face de lui, répondent d’une seul voix : « En vérité Il est Ressuscité. » Il en est naturellement de même pour le président Wladimir Poutine, comme pour les chefs d’états des nations Orthodoxes. Impensable en France ! C’est là exactement que se situe notre vertigineuse faiblesse vis-vis du fanatisme islamique. Nous avons renoncé à nos racines chrétiennes. Et ne posons pas comme excuse de dire que d’affirmer nos racines chrétiennes pourrait blesser nos concitoyens musulmans. Les musulmans français connaissent l’histoire de France, avec sainte Blandine, sainte Clotilde, saint Rémi apôtre des Francs, saint Louis roi de France, sainte Jeanne d’Arc pour ne citer que ces figures les plus célèbres. Un protestant qui est pourtant chrétien, ne considère pas comme saint ces personnage de notre histoire et il ne leur accorde aucun culte. Mais il les reconnait comme faisant parti des racines de notre histoire. C’est exactement la même chose pour un français musulman. Les musulmans français que je connais respectent la foi différente de la leur des autres français. Ils n’ont pas peur d’affirmer la leur et ne comprennent pas que nous ayons peur d’affirmer la notre. Ils ne rougissent pas de leur Prophète alors que beaucoup d’entre nous rougissent du Christ. « Car quiconque aura honte (rougit) de moi et de mes paroles, le Fils de l'homme aura honte de lui, quand il viendra dans sa gloire, et dans celle du Père et des saints anges. » (Lc IX, 26)

Cessons d’avoir peur ou honte d’être chrétien, car à chaque fois que nous le faisons, nous laissons un espace dans notre pays à Daech.

Prions pour nos citoyens et amis étrangers en visite dans notre pays qui sont blessés ou mort à Nice.
Le 15 Juillet 2016 
+Métropolite Michel Laroche

L’Orthodoxie et l’œcuménisme
Ou les contradictions d’un dialogue.

Par le Métropolite Michel Laroche

Lors de la réunion du Grand Concile Pan-orthdoxe de mois de juin 2016 en Crête, la question de considérer ou non l'Eglise de Rome comme un Eglise certes séparée de la communion de l'Unique Eglise Orthodoxe  ou un "groupe chrétien schismatique" a divisé certains membres de l'épiscopat grecque. En réalité cette question est ancienne et a connu de nombreuses réponses souvent contradictoire dans l'histoire. Dans un article prémonitoire des discutions qui ont eu lieu récemment Son Eminence le Métropolite Michel Laroche défendait déjà en 2013 la position lucide de Sa Sainteté le patriarche Bartholoméos de Constantinople.

Introduction.

Le dialogue cinquantenaire de l’Église Orthodoxe avec l’Église Catholique Romaine donne aujourd’hui lieu à un débat passionné dans l’Orthodoxie. Des déclarations hostiles à ce dialogue provenant tant d’une partie de l’épiscopat canonique Orthodoxe, que de nombreux higoumènes des principaux monastères de Grèce, que de la Sainte Communauté des Moines du Mont Athos sont régulièrement publiées. Les dernières en dates contiennent des affirmations péremptoires sur la manière (application des règles canoniques qui ne sont pas citées), dont on devrait discuter ou ne pas discuter avec des hétérodoxes, et comment les recevoir (obligatoirement par le Baptême selon ces déclarations) dans la communion de l’Église Orthodoxe après leur conversion. Dans cet article nous nous efforcerons de donner au lecteur les véritables usages canoniques que nos saints Pères ont eus en face des situations semblables ; ce qui fait référence à l’histoire des conciles œcuméniques et de certains conciles généraux qui ont tous eu à traiter de la « réintégration des hérétiques et des schismatiques » selon la terminologie canonique et qui constituent la jurisprudence œcuménique qui doit obligatoirement s’appliquer dans notre sainte Église Orthodoxe.

Une nouvelle « Confession de la Foi Orthodoxe » vient perturber le dialogue œcuménique.

Dans sa page du 12 octobre 2009 le magazine internet « Orthodoxie » rapporte un événement lourd de significations sur les contradictions qui pèsent sur le dialogue entre Orthodoxe et Catholiques. A la suite de la réunion de Ravenne présentée unilatéralement comme un succès par le patriarcat de Constantinople, le problème de la primauté de l’évêque de Rome soulève dans l’Église Orthodoxe, celui de la primauté d’honneur ou inter pares du siège de Constantinople. La sortie tumultueuse de la délégation russe - il est vrai pour un autre motif : la présence de délégués de l’Église Apostolique Estonienne - n’avait pas permis de trouver avec la sérénité nécessaire à un tel débat, au sein même des délégations orthodoxes, des voies convergentes permettant de s’adresser d’une seule voix au siège de Rome.

La perspective d’une discussion plus approfondie sur la question épineuse de la primauté de l’Église de Rome lors de la réunion de Chypre qui vient d’avoir lieu a provoqué et provoque encore des réactions hostiles de nombreux clercs, moines, théologiens et simples croyants, sur le principe même d’un tel dialogue. La nature même de ce dialogue leur fait craindre que le patriarcat de Constantinople, pour s’assurer de sa propre primauté qui lui est contestée par le patriarcat de Moscou, ne soit enclin à des compromis avec Rome. Une lettre présentée sous forme de « confession de foi » que nous allons tenter d’analyser a été signée par cinq des higoumènes du Mont Athos, et par les higoumènes des principaux monastères de Grèce, de nombreux métropolites de cette église, quelques évêques serbes et des professeurs de théologie. Nous ne citerons pas dans le détail le catalogue des points dogmatiques énumérés dans la « Confession de foi » qui séparent les Catholiques des Orthodoxes, qui s’ils sont justes sur le fond, par leur présentation d’une manière zélote et fanatique, paraissent davantage destinés à blesser ceux dont nous désirons la conversion, qu’à les convaincre fraternellement de leurs erreurs.

Mentionnons simplement le « Filioque procedit », la primauté et l’infaillibilité du pape, l’usage du pain sans levain pour l’Eucharistie, le feu du purgatoire, l’immaculée conception, la forme du baptême sans réelle triple immersion, le sacrement de l’onction différé, le commerce des indulgences (les auteurs de ce texte ne savent pas que cette pratique n’existe plus dans l’Église Catholique !) et le fait que le Vatican est un état souverain. Ce texte aborde également un point très pertinent concernant des rituels inspirés du protestantisme, introduits dans le culte Catholique dans certaines paroisses ou communautés, tels que la danse dans la messe, des prophéties spontanées énoncées au cours de la messe par des croyants etc… qui ont cours dans des groupes charismatiques, toutes pratiques très choquantes pour le monde orthodoxe. Mais comme le supposent et le laissent entendre les auteurs de cette confession de foi, existe-t-il un danger de quelque nature que ce soit pour que nous reconnaissions un jour, dans un avenir proche ou lointain, la validité de tels usages ou certains des points dogmatiques que nous ne partageons pas, ou comme une rumeur s’est propagée, que le patriarcat de Constantinople était sur le point de reconnaître la primauté pétrinienne ? 

Sans dissimuler que l’ensemble de ces sujets pose de véritables questions aux orthodoxes, même à ceux qui sont favorables à l’œcuménisme, nous pensons que les conclusions qui sont apportées par les signataires de ce texte ne sont pas exemptes d’affirmations hâtives et erronées.

Pourtant, peu soupçonnable d’être complaisant vis-à-vis du patriarcat de Constantinople, l’Auteur de cet article considère donc qu’aujourd’hui on fait à la Grande Église, comme à Sa Toute Sainteté le patriarche Bartholomée et au théologien et historien de l’ecclésiologie Son Éminence le métropolite Jean de Pergame (Zizioulas) un mauvais procès.

Quelle est en réalité la véritable interrogation que posent les signataires de cette « Confession de foi » ?

Nous pensons qu’il est question pour eux, comme pour nous, de ce que devrait être la nature du dialogue avec une communauté séparée de l’église Une, Sainte, Catholique et Apostolique, c’est-à-dire de l’Église Orthodoxe.

Avant de tenter de répondre à cette question il nous faut préalablement « répondre » aux affirmations contenus dans cette nouvelle « Confession de foi ».

Examinons pour commencer l’une des affirmations qui tombe comme un couperet de ce texte : « Pour l’incorporation des hérétiques dans l’Église, la rigueur canonique exige qu’ils soient reçus par le baptême. » et plus loin « Jusqu’au début du XXe siècle l’Église avait une attitude immuable et stable dans le rejet et la condamnation de toutes les hérésies comme cela figure dans le Synodikon de l’Orthodoxie… »

Une autre affirmation qui vient corroborer le texte de la « Confession de foi « est celle de la déclaration signée le 8 octobre dernier (2009) par la sainte communauté du Mont Athos qui affirme que : la seule condition préalable à la discussion de la question de la primauté est le retour des catholiques romains à la foi orthodoxe et à la conciliarité de l’Église Orthodoxe, et non « l’union dans la diversité « des dogmes. » Ce qui signifie que toutes les discussions qui ont comme but le retour de la partie schismatique dans l’Église Une, ne devraient se faire qu’après que l’Église de Rome ait renoncé au papisme et à ses autres hérésies, seules conditions préalables à ces discussion selon la terminologie employée dans le texte des moines athonites.

De telles affirmations sont-elles rigoureusement exactes ? A-t-il au contraire existé dans l’Église Orthodoxe, tout au long des siècles, des usages différends évidemment sanctionnés par des conciles œcuméniques, pour recevoir des hétérodoxes ? 

Nous sommes obligés pour y répondre d’examiner l’autorité suprême en la matière : la jurisprudence des Conciles œcuméniques, et qui n’est certainement pas contenue, dans cette terminologie assez vaste pour être imprécise : « La rigueur canonique exige qu’ils soient reçus par le baptême » sans citation du moindre canon qui démontrerait l’immuabilité d’une telle pratique.

Il est aisé de faire des affirmations péremptoires en deux mots, qui impressionnent le lecteur ; mais pour en démontrer l’inanité il faut évidemment beaucoup plus de deux mots.

Reconnaissons-le, la faiblesse générale du monde Orthodoxe aujourd’hui est son indifférence vis à vis de sa propre histoire. Des auteurs tels que le Père J. Meyendorff, le Père A. Schmemann, le Père D. Obolensky, le métropolite Jean de Pergame, capables de s’exprimer à la fois sur le plan théologique et historique sont trop rares. Ne s’appuyer que sur ce que les Pères de l’Église ont écrit, en ignorant le contexte historique dans lequel ils ont exprimé telle ou telle vérité, ne rend pas toutes les dimensions de leur confession de foi. En d’autres termes comment dans la pratique les Pères ont-ils eux-mêmes interprété leurs écrits ? On sera surpris des nuances que les Pères apportaient eux-mêmes aux affirmations telles que « hérétiques, schismatiques, Latins, etc… »

La Jurisprudence du Septième Concile Œcuménique sur la réception des hérétiques et des schismatiques.

Le débat est presque aussi ancien que l’Église, et déjà saint Cyprien de Carthage ( 200-258) soutenait lui aussi que le baptême des hérétiques n’était pas valide alors que le pape saint Etienne Ier (+257) était tenant de l’efficacité d’un baptême donné au Nom des Trois Personnes de la Trinité. Cette question soulevait par voie de conséquence celle de la validité ou la non validité des sacrements dans une communauté hérétique et donc schismatique. C’est ce débat récurrent au sein de l’Église et la réponse qui lui sera donnée lors des conciles œcuméniques, seule autorité qui s’impose à l’ensemble des Églises autocéphales, qui peut apporter la réponse à l’affirmation du texte que nous citons de nouveau : « Pour l’incorporation des hérétiques dans l’Église, la rigueur canonique exige qu’ils soient reçus par le baptême».

La question, concernant un évêque schismatique qui revient dans l’Église est plus vaste, puisque au sein même de son éparchie il est la source de toute la vie sacramentelle dépositaire du pouvoir souverain du Christ de « lier et délier ». Elle est digne d’intérêt, car revêtue en profondeur du manteau de l’ecclésiologie orthodoxe. Cette question maintes fois débattues dans l’Église au cours des siècles a été résolue lors du dernier et Septième Concile Œcuménique ( Nicèe II) en 787 dont les canons sont toujours en vigueur dans l’Église Orthodoxe.

La question qui se posait était celle-ci : pouvait-on reconnaître les sacres des évêques schismatiques et hérétiques, tombés dans l’hérésie iconoclaste, repentis et les ordinations ainsi que l’ensemble des sacrements qu’ils avaient conféré dans le schisme et l’hérésie ? 

Deux conceptions se sont toujours combattues dans l’Église Orthodoxe, celle soutenue par saint Tarasios, saint Méthodios, saint Nicéphorios et plus tard saint Photios, tous patriarches de Constantinople partisans de l’économie, c’est-à-dire l’interprétation miséricordieuse des canons. En revanche la majorité des moines avec à leur tête saint Théodoros du Studion à l’époque encore higoumène du monastère de Saccoudios, était majoritairement pour l’acribie, c’est-à-dire l’interprétation rigoureuse de certains canons (d’autres canons comme nous le verrons reçoivent les hérétiques selon leur rang dans l’épiscopat et ne rebaptisent donc pas) , le non-pardon pour les évêques schismatiques, la non-reconnaissance de la grâce épiscopale. Les moines du Mont Olympe étaient eux partisans avec saint Joannice de l’économie. La véritable question que posait le concile, malgré cette forte opposition de l’ensemble des moines, présents au concile, était bien celle de l’économie prônée par le patriarche Tarasios qui présidait le concile. C’est celle-ci qui l’emporta.

On avait lu dans le concile, un dossier préparé par le patriarche Tarasios dans lequel il citait l’ensemble des canons favorables à la reconnaissance des sacrements chez les hérétiques schismatiques, notamment le canon 8 du premier Concile Œcuménique de Nicée qui reconnaissait aux Cathares, sous certaines conditions, le sacerdoce et l’épiscopat, allant même jusqu’à accepter que dans la ville où il n’y avait pas d’évêque orthodoxe, que l’évêque anciennement Cathare, demeurerait l’évêque du saint troupeau de Dieu. D’autres canons étaient cités dans ce sens, le canon 8 du Concile Œcuménique d’Éphèse, la cinquante-troisième Règle Apostolique, une lettre de saint Basile à Amphiloque, et surtout une lettre d’Athanase d’Alexandrie adressée à Rufianios, et au sujet de laquelle le patriarche Tarasios fit cette remarque ; « Notre Père Athanase oublie les injures.» Pour les évêques extrêmement nombreux tombés dans le schisme et l’hérésie (ici l’iconoclasme) et pour saint Tarasios, la véritable question n’était donc pas, la validité de leur sacre et des sacrements distribués qu’ils ne discutaient pas, mais la sincérité de leur repentir, compte tenu du fait que ceux que l’on jugeait dans le concile avaient continué de résister après le retour officiel de l’Empire au culte iconophile, avec l’avènement de l’impératrice Irène et de son fils, le jeune empereur Constantin.. Dans ces conditions il ne se trouvait personne pour condamner les évêques que l’on jugeait et qui exprimaient plus tardivement que les membres du concile, eux aussi dans leur immense majorité d’anciens iconoclastes, leur repentir, sauf les moines du Stoudion et de Saccoudios qui tenaient bon dans leur non-reconnaissance de la validité des sacrements donnés dans l’hérésie et le schisme.

La démonstration qui prévalut, et qu’acceptèrent, bien qu’avec réticence, tous les moines présents au concile, est très intéressante à examiner, car elle se fondait, au-delà d’une multitude de canons favorables à l’acribie, sur une toute aussi importante jurisprudence mentionnée partiellement plus haut, qui interprétait ces canons -qui n’étaient pas niés-, dans le sens de l’économie (1) , que ces canons étaient, eux aussi, soumis aux décisions et jurisprudences des conciles œcuméniques. Saint Tarasios se référait ouvertement dans sa démonstration au Concile Œcuménique de Chalcédoine (451) qui avait eu exactement la même situation à gérer : Des évêques qui s’étaient égarés dans le schisme et l’hérésie ( le monophysisme) en suivant Dioscoros dans le brigandage d’Éphèse, tel saint Juvénal de Jérusalem, avaient été réintroduit dans la communion de l’Église lors du concile de Chalcédoine, par une simple confession de foi, sans être soumis à une réitération des sacrements : baptême, onction, les ordres mineurs, le diaconat, la prêtrise et l’épiscopat. Bien plus ils avaient pu, comme saint Juvénal, participer au concile de Chalcédoine avant leur conversion à la foi Orthodoxe.

L’ecclésiologue et l’historien sont effectivement frappés par les ressemblances des situations de ces deux conciles œcuméniques : tous deux sont réunis pour « réparer » les fautes d’un concile précédent : Chalcédoine (451) pour le Brigandage d’Éphèse (449) et Nicée II (787) pour le concile iconoclaste d’Hiéria (754). Tous deux sont composés par une grande partie des acteurs des conciles hétérodoxes antérieurs. Tous deux sont amenés à faire juger certains des coupables des conciles hérétiques par leurs complices d’hier, fraîchement convertis à la nouvelle orthodoxie triomphante.

L’attitude de Juvénal de Jérusalem au Concile Œcuménique de Chalcédoine est révélatrice des méthodes et des attitudes psychologiques de ces anciens néo-monophysites vis-à-vis de leurs ex-alliés : le patriarche de Jérusalem, qui avait pourtant co-présidé le Brigandage d’Éphèse avec Dioscorios d’Alexandrie, et qui était donc forcément complice des brutalités qui avaient semé la terreur lors des séances, plaida l’ignorance, et dans un geste théâtral quitta son siège qui le plaçait dans le concile aux côtés des amis de Dioscorios, pour aller s’asseoir aux côtés de ceux qui l’accusaient. Saint Juvénal est canonisé par l’Église Byzantine(2) , par la suite son attitude ayant été exemplaire. Lors de la révolte monastique anti-Chalcédonienne à Jérusalem, il se montra ferme dans ses nouvelles convictions, ce qui prouve la sincérité de sa conversion. Il ne fut pas le seul à avoir eu cette conduite lors du concile de Chalcédoine comme le fait remarquer le Père Jean Meyendorff : « D’anciens acteurs du Brigandage qui avaient signé la condamnation de Flavien et insulté implicitement Léon en refusant de lire sa lettre, essayaient de se justifier, soit en accusant Dioscoros de chantage et de violence, soit, plus honnêtement, en demandant pardon au Concile. »(3) 

Saint Tarasios, en évoquant cet exemple n’agissait pas uniquement par cynisme et politique parce qu’il est vrai que s’il avait accepté la doctrine des moines, l’Église d’Orient implosait : tous les évêques avaient pactisé avec l’iconoclasme impérial, et Tarasios, iconophile convaincu, laïc et ancien Chancelier de l’Empire, ne devait son sacre qu’à la volonté de l’impératrice Irène et avait été consacré par des métropolites hier encore iconoclastes ! Mais d’une manière plus profonde, il démontrait que c’était en son sein même que l’Église retrouvait la vie qu’elle avait perdue dans l’hérésie, et non de l’extérieur. Ce concile, comme celui d’Éphèse, était celui de la métanoïa, du retour dans la maison du Père du Fils Prodigue(4) , qui bien que s’étant éloigné de la maison du Père ne perd pas entièrement sa qualité de fils, et qu’en s’accusant devant le Père, et justement en lui disant qu’il n’est pas digne d’être appelé fils, le Père lui redonne, sans le re-baptiser,- comme le précise dans son homélie sur cette parabole saint Jean Chrysostome-, sa qualité de Fils en l’introduisant dans sa tente et en tuant pour lui le veau gras. Il est vraisemblable que devant l’argumentation irréfutable des usages admis durant plusieurs siècles se référant à l’économie pratiquée lors des derniers conciles œcuméniques, les moines admirent leur défaite et renoncèrent à poursuivre leur revendication en faveur de l’acribie.

Les moines avaient eu dans le Concile les mêmes revendications que celle du Fils aîné de la parabole, en disant qu’il ne fallait pas recevoir le Fils Prodigue dans la maison du Père.

Quelles sont les leçons que l’on peut tirer dans l’application de l’économie lors du Septième Concile Œcuménique pour le retour dans l’Église Orthodoxe de personnes qui en sont sorties et souhaitent y revenir ?

Le Septième Concile Œcuménique reconnaît donc tous les sacres des évêques qui provenant d’une église schismatique, et même ici, hérétique, dès lors qu’ils se sont repentis, ainsi que les ordinations et l’ensemble des autres sacrements faits ou distribués par eux dans le schisme et l’hérésie. Sur ce point précis l’affirmation de la « Confession de foi » est non seulement contredite, mais on peut lui opposer l’autorité de trois conciles œcuméniques, Nicée I, Chalcédoine, et Nicée II qui reconnaissent, certes à certaines conditions, la validité du baptême et de tous les autres sacrements ainsi que celle du sacrement de l’ordre.

Bien plus les deux conciles mentionnés n’ont pas exigé en préalable à la discussion le retour de tous les évêques qui avaient apostasié la foi orthodoxe, mais leur on permis de discuter avec les membres orthodoxes de ces conciles des points dogmatiques qui les avaient éloigné de l’Église : saint Juvénal de Jérusalem, par exemple, rejoint ainsi l’orthodoxie au cours du Concile dans lequel il siégeait avant de rejeter ses erreurs et de confesser l’Orthodoxie.

Nous sommes loin dans ces exemples des exigences énoncées par les auteurs de la « Confession » et par la déclaration des moines du Mont Athos. En revanche, historiquement si les conciles œcuméniques constituent la jurisprudence canonique qui doit s’appliquer dans l’Église Orthodoxe, il est non moins indéniable que le courant monastique dans sa majorité s’est toujours opposé à cette vue des choses. N’oublions pas, dans un autre contexte, que plus tard saint Photios le Grand avait, comme son oncle saint Tarasios pour adversaire durant toute son existence les moines du Studion qui derrière leur Higoumène saint Nicolas rompirent la communion avec lui jusqu’à sa mort. Avant cette rupture de communion de la part des moines du Studion il y avait eu toujours, sur fond du refus de l’économie, celle de saint Joseph frère de saint Théodoros déposé par le patriarche saint Nicéphorios, et plus tard celle de Naucratios de Studion, disciple et successeur de saint Théodoros, excommunié par le patriarche saint Méthodios. Celui-ci excommunia également pour un temps l’ensemble des moines du Studion.

Que les moines d’aujourd’hui comme ceux d’hier s’opposent à l’économie, c’est une constante malheureuse dans l’histoire de l’Église Orthodoxe. Il y eut des saints dans chacun des camps. Mais les conciles œcuméniques ont toujours tranché en faveur de l’économie et l’ensemble des croyants orthodoxes, y compris les moines du Mont Athos sont soumis à leurs décisions.

Quelle méthode l’Église Orthodoxe a-t-elle préconisé pour discuter avec la partie hétérodoxe séparée d’elle qui souhaiterait revenir ?

Souvenons-nous également que lors de tous les projets ultérieurs à 1054 d’union avec l’Église de Rome, les patriarches Orthodoxes se mirent à chaque fois d’accord pour que les discussions aient lieu dans un concile tenu non en Occident mais dans l’empire. Nous ne parlons donc pas ici des fausses unions de Lyon et de Florence-Ferrare, mais, par exemple, de la proposition de l’ex-empereur Jean Cantacuzène devenu le moine Josaphat qui en juin 1367 préconisait comme unique méthode pour examiner les points litigieux de réunir un concile dans lequel siégeraient tous les patriarches orthodoxes, les primats des Églises autocéphales Georgienne, Serbe et Bulgare et le pape lui-même. Le patriarche Philothéos acquis à cette idée envoya la même année des convocations aux autres primats (5) et les patriarches d’Alexandrie et de Jérusalem donnèrent leur accord. (6) Sans rentrer dans les détails, ce fut l’Église de Rome et non la partie Orthodoxe qui fit avorter le projet.(7) Mais la méthode préconisée était, nous le constatons, très éloignée de celle préconisée aujourd’hui par la « Confession de foi » et les moines du Mont Athos : « convertissez-vous d’abord et ensuite nous pourrons discuter ».

Saint Photios neveu et héritier spirituel de saint Tarasios reconnaissait-il la validité des sacrements des « Latins » ?

Saint Photios est abondamment cité par les adversaires les plus acharnés de l’œcuménisme. Ses écrits sont le plus souvent cités pour trouver argument contre l’idée même d’un dialogue, et celle d’une validité niée des sacrements dans les églises latines. En effet il n’y en avait pas à cette époque, comme on le croit souvent, une seule Église, mais deux Églises distinctes qui avaient chacune leur théologie et leur ecclésiologie différentes voir antinomiques.

La première : l’Église de Rome qui confesse avec l’Église Byzantine le symbole de la foi orthodoxe sans le «Filioque procedit » et qui adhère au Septième Concile Œcuménique avec la vénération des Icônes. En revanche cette Église a une ecclésiologie antinomique de celle de l’Église Byzantine en revendiquant pour le pape une véritable suprématie sur les autres évêques avec la fonction de juge suprême de l’ensemble de l’épiscopat, au-dessus même de l’autorité des conciles, au nom du privilège pétrinien.

La seconde : l’’Église Carolingienne qui a une ecclésiologie très proche de celle de l’Église Byzantine, mais depuis Charlemagne elle professe le « Filioque procedit », et elle a adopté l’iconoclasme moyen. Elle rejette le Septième Concile Œcuménique.

Tout cela est bien connu de saint Photios et de l’épiscopat de l’Église d’Orient. Rappelons pour les orthodoxes qui l’ignoreraient que saint Léon III pape de Rome qui couronna empereur Charlemagne, refusa énergiquement l’injonction impériale d’introduire, comme il existait déjà dans la liturgie carolingienne, le « Filioque procedit » dans le Symbole de la Foi, et qu’il demanda, sans succès il est vrai, à Charlemagne et au clergé carolingien de ne plus réciter le Credo avec l’ajout hétérodoxe. Le pape invoquait dans son argumentation les deux conciles Nicée I et Constantinople I qui avaient défini sans cet ajout le symbole de la foi et le Concile Œcuménique d’Éphèse qui dans son Septième canon interdit d’ajouter ou de retrancher le moindre mot au symbole. Léon III fit faire immédiatement après cet incident, deux boucliers en argent massif avec le Symbole de la foi orthodoxe, en grec d’un côté, en latin de l’autre, placés de chaque côté du tombeau de saint Pierre. C’est pourquoi ce grand pape est compté aujourd’hui parmi les saints de l’Église Orthodoxe.

L’Encyclique du patriarche saint Photios est-elle la preuve absolue d’une rupture de communion avec les « Latins » ?

L’écrit le plus souvent cité du patriarche saint Photios de Constantinople par les opposants à l’œcuménisme est celui de « l’Encyclique aux sièges Episcopaux d’Alexandrie et de tout l’Orient contenant l’exposé de vérités capitales et que nous devons confesser que l’Esprit Saint procède du Père seul, et non du Père et du Fils. » Il est écrit dans un contexte très précis celui de la véritable concurrence missionnaire sur les territoires slaves, particulièrement en Moravie et en Pannonie, mais avec en perspective la conversion des tribus bulgares, avec d’une part des évêques Carolingiens présents dans la région depuis soixante-dix ans à partir du diocèse de Salzbourg, du clergé Romain travaillant pour les seuls intérêts du pape et enfin de Saint Cyrille et Méthode avec un groupe important de moines et de prêtres, envoyé par le patriarche Photios principalement pour répondre aux demandes répétées du Prince Boris-Michel qui sera baptisé à Constantinople avec pour parrain l’empereur Michel III. C’est dire que les enjeux n’étaient pas uniquement religieux mais géopolitiques, car l’Empire Romain d’Orient était en guerre presque permanente avec les Bulgares depuis plus d’un siècle, et le facteur religieux avec ses transversalités de culture et de civilisation permettrait des traités de paix respectés et surtout de se comprendre. C’était une priorité pour l’empereur Michel comme pour le patriarche saint Photios. Cela le sera également pour le successeur et assassin de l’empereur, Basile le Macédonien. Cela l’était également pour le pape Nicolas Ier qui exigeait contre sa reconnaissance de la légitimité de l’accession au trône patriarcal de Photios, après l’éviction par l’empereur Michel et du césar Bardas, de son prédécesseur le patriarche saint Ignacios, le renoncement de Photios à la mission bulgare. C’est dans ce contexte que l’encyclique sera écrite en 866. Il s’agit d’abord de démontrer au prince Boris que seul le christianisme impérial est fidèle à la parfaite orthodoxie, et que le christianisme transmis par les Latins est pollué. Attention, si c’est une réelle conviction du patriarche Photios, elle n’entrainera jamais pour lui la rupture de communion avec l’Église de Rome en tant que telle, ni, nous le verrons plus loin, avec la puissante Église Carolingienne, la seule à l’époque à avoir non seulement adopté l’hérésie du « Filioque procedit » mais également celle de l’iconoclasme moyen. En effet l’anathémisation solennelle lors du Concile de Constantinople de 867 du pape Nicolas Ier est faite « ad personam », et l’on se garda bien de rompre la communion avec le siège de Rome : c’est uniquement son titulaire qui est condamné. Si on peut donc lire dans l’Encyclique à l’intention du prince Boris Michel véritable destinataire du texte : « On le voit, ils n’ont aucune raison de se faire appeler chrétiens -sinon, bien sûr, pour prendre plus facilement leur gibier au piège. L’Esprit Saint procède du Père et du Fils : d’où provient cette sentence ? Chez quel évangéliste trouve-t-on cette phrase ? Quel concile nous a transmis cette phrase blasphématoire ? » et bien d’autres points soulevés tels que le fait « de priver un homme consacré, c’est à dire un prêtre, un diacre ou un sous-diacre, du commerce et de la société de sa femme légitime », « de rompre le jeûne de la première semaine de carême, de re-chrismer ceux qui sont déjà baptisés et chrismés… ». Bien entendu lorsque plus tard on scellera lors du Concile de Constantinople de 879-880 la réconciliation des deux Églises en présence des légats du pape Jean VIII, et même des trois si l’on distingue la puissante Église carolingienne, le seul point dogmatique qui sera soulevé et adopté par le nouveau concile concernera la théologie Trinitaire avec le rejet du « Filioque procedit », et l’on entérinera également les canons du Septième Concile Œcuménique concernant le culte des Icônes. Mais silence total sur tous les autres points soulevés dans l’Encyclique.

Le plus curieux c’est que lors du concile de 867, saint Photios n’avait pas hésité à convier au Concile des évêques Carolingiens pour qu’ils condamnent avec lui le pape Nicolas Ier sur la question de la primauté, en laissant de côté les autres questions dogmatiques pourtant soulevées dans l’Encyclique. Cette invitation montrait deux choses : La première, c’est qu’il ne rompait pas immédiatement la communion avec l’épiscopat Carolingien sur leurs deux doctrines hétérodoxes du « Filioque procedit » et de l’iconoclasme moyen. Il savait parfaitement que le pape ne professait pas lui-même ces deux hérésies. La seconde est qu’il anathémisait le pape Nicolas Ier, et non l’Église de Rome en tant que telle, sur le sujet à ces yeux le plus important, qui était celui de la conception de la suprématie pétrinienne que le pape Nicolas Ier tentait d’imposer, tant auprès de l’Église Carolingienne qui résistait énergiquement avec à sa tête dans ce combat le grand Hincmar de Reims, qu’auprès de l’Église Byzantine.

Les antinomies ecclésiologiques dans la conception de la primauté des sièges entre Rome et Constantinople.

C’est bien principalement le papisme qui sera condamné lors du concile de 867. Saint Photios affirmait maintenir sa communion avec des évêques Carolingiens, sans pour autant renoncer à discuter lors du concile des points doctrinaux litigieux, considérant que l’hérésie la plus dangereuse pour l’Église était le concept d’un évêque au-dessus des autres évêques, juge suprême de l’Église, contre laquelle il fallait rassembler toutes les forces possibles.(8) 

La doctrine ecclésiologique de Nicolas annonçait les fameuses « Didactus Papae »(9) du pape Grégoire VII s’appuiera donc désormais sur les fameuses « Fausses décrétales » du « Pseudo-Isidore » qu’avait apportées à Rome, dans un procès canonique qui l’opposait au métropolite de Reims Hincmar, Rothade de Soissons. Rappelons cette doctrine : ne méritent le nom de Conciles, œcuméniques ou généraux, que ceux qui ont été approuvés par le pape. Donc pas de concile valable s’il n’a été réuni sous l’autorité du Siège de Rome. Il ajoute qu’aucun concile général n’est valide s’il n’a pas été convoqué par le pape. Concernant les appels des évêques sanctionnés par leur métropolitain dans un concile local, il refuse que son tribunal soit, comme le précise pourtant clairement le Concile de Sardique dans ses canons 3 et 4 (10) , une simple instance d’appel. Il affirme, au contraire, qu’il est, à la fois, la première instance, et l’instance définitive, et que ses décisions sont sans appel. L’autorité des métropolites- et donc celle de tous les évêques- ne vient pas directement du Christ, mais du successeur de Pierre, qui seul a reçu les clefs, et il peut donc la retirer puisque c’est lui qui la confère. Il a également le pouvoir de promouvoir des canons qui l’emportent sur les canons des conciles œcuméniques et généraux. Le pape est supérieur au concile, ce que nous retrouverons plus tard dans les « Didactus papae » (11) .

La notion de primauté d’un siège était également comprise antinomiquement par les trois Églises : pour l’Église byzantine, c’est-à-dire tous les patriarches de l’Église d’Orient, Constantinople, Alexandrie, Antioche, Jérusalem, la primauté d’un siège venait de l’importance et du rang de la ville épiscopale dans l’Empire. C’est au nom de ce principe que le patriarcat de Constantinople ville devenue capitale impériale, la seconde Rome, prendra la seconde place lors du deuxième concile œcuménique Constantinople I en 381, (canon 3) dans l’ordre hiérarchique des sièges, malgré les protestations que l’on devine du pape Damase. Cette place ne devait rien à l’Apôtre André tenu pour le fondateur de la petite cité de Byzance avant qu’elle ne devienne la capitale impériale de Constantinople. L’Église Carolingienne soumise à l’empereur d’Occident avait la même conception. En revanche, quelle que fut dans le passé l’orthodoxie confessée par le pape de Rome, la conception de sa primauté qu’il ne parvenait d’ailleurs pas à imposer aux autres Églises était celle de la fondation apostolique d’une ville par un apôtre et pour Rome par le premier d’entre eux saint Pierre, d’où l‘expression « primauté pétrinienne ». En réalité le malentendu de la question de la primauté avait toujours existé bien avant la condamnation de Nicolas Ier dans un concile tenu à Constantinople. Mais redisons-le, les papes n’avaient jamais eu les moyens d’imposer leur doctrine aux autres sièges, malgré des courriers récurrents sur la question tout au long des siècles. Ce qui avait changé c’était des questions d’intérêts territoriaux et géopolitiques, et la question centrale de l’indépendance de l’Église Byzantine chère à tous les évêques orthodoxes, même à ceux favorables à certains compromis avec le pape Nicolas sous le second pontificat d’Ignacios lorsque avec la complicité de ses légats, on condamna saint Photios dans le concile de Constantinople de 869-870.

C’est cette doctrine qui est formellement rejetée comme hétérodoxe tant par l’épiscopat Carolingien qui voit là une manière pour le pape d’intervenir dans les affaires intérieures de leur Église, que par l’Église de Constantinople avec l’ensemble des autres sièges patriarcaux qui font le même constat.

Saint Cyrillios et saint Méthodios Apôtres des slaves communient avec l’évêque de Rome.

Que penser également de Saint Cyrillios et saint Méthodios, les grands apôtres des Slaves, qui face aux difficultés insurmontables qu’ils rencontrèrent de la part du clergé Carolingien en Grande Moravie décidèrent de s’adresser au pape Nicolas Ier qu’ils savaient pourtant en conflit dogmatique sur la question de la primauté Romaine avec leur patriarche Photios, et des condamnations que le pape avaient déjà prononcées contre leur patriarche et ami ? Certes, arrivés à Rome (868) ils apprennent que Nicolas Ier venait de trépasser, mais son successeur Hadrien Ier, de surcroit pour leur propre tradition un pape ouvertement marié, qui reconnaissait lui aussi la condamnation de Photios et partageait la doctrine hétérodoxe de la primauté Romaine. Cela n’empêcha pourtant pas Méthodios de recevoir l’épiscopat dans la succession apostolique Romaine et de concélébrer avec le pape, et même de devenir un archevêque dans la juridiction du pape pour la Grande Moravie. Saint Cyrillios devint moine à Rome et y décéda peu de temps après son arrivée. Nous sommes très loin dans cet exemple des affirmations de la « Confession de foi» qui ne reconnaît aucune grâce aux hétérodoxes, et surtout que cette conviction aurait été partagée par tous nos Saints Pères.

L’appui sollicité par saint Photios auprès des cours carolingiennes hétérodoxes en vue de la condamnation du pape Nicolas Ier.

Saint Photios avait, en excellent politicien qu’il était, établi une stratégie remarquable, en prenant des garanties, avant la réunion du « Concile Œcuménique » que ses décisions portées contre Nicolas seraient exécutées par les trois monarques Carolingiens. Nous connaissons la lettre qu’il avait adressée à l’empereur Franc Louis II le Germanique et son épouse l’impératrice Ingelberg, leur promettant à tous deux, s’ils l‘aidaient dans l’application de la condamnation de Nicolas qui serait prononcé par « le concile œcuménique », de leur faire reconnaître par l’empereur de Constantinople, le titre de « basileus » et « Basilisis » car pour la cour Byzantine ils n’étaient que roi. Soulignons l’importance d’une telle proposition pour des monarques Francs qui depuis les mérovingiens cherchèrent à obtenir de l’empereur un titre impérial. Clovis par exemple avait obtenu de l’empereur Anastase (491-518) le titre de Consul. La lettre fut portée par une ambassade, en amont du concile au début de l’année 867 (12) . Il ne fait aucun doute que l’ambassade avait apporté aux deux autres souverains une missive semblable et que toutes avaient reçu des réponses favorables, car ni l’empereur Michel, ni le patriarche Photios, ne voulaient créer des incidents diplomatiques avec les autres cours européennes en prononçant unilatéralement une condamnation contre le titulaire du premier siège de l’Occident. La réunion de ce concile est bien un acte hautement politique, et, sans l’appui des souverains Carolingiens, il aurait été dépourvu de sens et d’efficacité. Les trois souverains y auraient répondu avec empressement. Une fois le Concile achevé et la condamnation de Nicolas acquise, Photios enverra donc une seconde ambassade aux trois monarques Carolingiens, Louis II le Germanique (840-876) (13) , Charles le Chauve (840-877), fils de Louis le Pieux (814-840) et leur neveu Louis II roi d’Italie (855-875) fils de l’empereur Lothaire (840-855), pour qu’ils se chargent de l’application des décisions du « Concile œcuménique » (terminologie qu’utilise Photios dans ses lettres) à l’encontre de Nicolas. On connaît le contenu de la lettre du patriarche à l’empereur Louis II le Germanique et celle adressée à l’impératrice Ingelgerg, dans laquelle Photios la compare à l’impératrice Byzantine Pulchérie (14) portée, après le concile, par une prestigieuse ambassade, le métropolite Zacharie de Chalcédoine et le métropolite Théodore de Laocidé. Les actes du concile sont transmis aux trois cours. Les monarques avaient été acclamés à Constantinople par plus de mille participants au « Concile œcuménique » de 867 (15) en présence de l’empereur Michel et du patriarche Photios en tant qu’empereur orthodoxe et impératrice orthodoxe, (c’était la terminologie officielle utilisée en pareille circonstance) chargés par le concile d’exécuter la sentence du concile contre le pape. On sait que l’assassinat quelques jours plus tard de l’empereur par son favori Basile le Macédonien qui donnera des ordres pour intercepter le navire transportant la lettre synodale et l’ambassade qui la portait annuleront la portée de cette décision.

Saint Photios n’avait pas hésité à faire reconnaître comme empereur et impératrice « Orthodoxe » des monarques dont par ailleurs il considérait la doctrine comme hétérodoxe, preuve, s’il en faut, que la communion n’était pas rompue pour les motifs dogmatiques concernés. Il est vrai qu’il avait fait condamner les doctrines du « Filioque procedit » et certains usages Latin ou Carolingien par le concile, mais en sachant parfaitement que ni les souverains ni l’épiscopat Carolingiens n’y avait souscrit. La question principale étant la condamnation du pape Nicolas Ier et de sa doctrine ecclésiologique. En invitant les évêques Carolingiens à participer au concile il reconnaissait la validité de la grâce dans l’Église Carolingienne pourtant hétérodoxe à ses yeux. Certes il espérait les convertir dans le concile à renoncer à leurs erreurs, mais ce n’était pas là un préalable à la reconnaissance des sacrements distribués dans cette Église ni de là à celle de la validité de son épiscopat. La question de savoir comme le soulève la « Confession de foi » si l’on s’en tenait aux canons apostoliques qui interdisent de prier avec des hérétiques ne se posait tout simplement pas, puisqu’il n’y eut jamais, à cette époque, de rupture de communion avec ceux que l’on considérait comme hétérodoxes.

Bien plus lors du Concile de Chalcédoine les évêques qui dans un premier temps avaient des convictions monophysites, tel saint Juvénal, avaient fait les prières rituelles qui se prononcent avant le concile. Évêques orthodoxes et évêques hétérodoxes avaient donc prié ensemble. Ce fait se reproduisit lors des conciles Photiens, car avant que la bonne doctrine sur la Trinité et sur l’ecclésiologie ne soit proclamée -Concile de Constantinople de 879-880 avec les représentants du Pape Jean VIII-, les légats du pape présents lors de tous ces conciles précédents n’étaient pas du point de vue de la pure orthodoxie autre chose que des hétérodoxes. L’Église Orthodoxe s’était avec le patriarche saint Ignacios arrangée avec eux pour condamner saint Photios, mais sans compromis dogmatique de fond, ni sur la question de la primauté, ni sur celle de la théologie du Saint-Esprit - Concile de Constantinople de 867- Le même fait s’était produit pour la condamnation de saint Ignacios dans le concile Constantinople de 861 présidé par saint Photios avec la participation des légats tous acquis à la conception romaine de la primauté considérée comme hétérodoxe par l’épiscopat Byzantin-.

Après 1054 comment recevait-on dans l’Église Orthodoxe les « Latins » ?

Le schisme de 1054 semble aujourd’hui pour les théologiens orthodoxes tracer une frontière, une sorte d’avant et après infranchissable. Avant le schisme tous les sacrements des deux églises Latines et Byzantines sont reconnus et après lui c’est un véritable rideau de fer totalement hermétique qui sépare les deux entités ecclésiales.

En réalité, les choses sont loin d’être aussi démarquées ou tranchées. Si les autres patriarcats observaient une méfiance vis-à-vis de l’Église de Rome, pour autant ils n’emboitèrent pas le pas au patriarcat de Constantinople dans la rupture de communion avec Rome. C’est lors de la première croisade que les véritables fissures apparurent. On est surpris d’apprendre que loin d’en être inquiétés, les patriarches orthodoxes, s’ils déchantèrent plus tard, accueillirent la première croisade avec l’espoir qu’elle chasserait le monde musulman d’Asie Mineure. Le patriarche orthodoxe de Jérusalem Syméon réfugié à Chypre à la suite de la prise de Jérusalem par les Arabes envoie une Encyclique en 1097 en tant que chef tant du clergé grec que du clergé latin pour soutenir la croisade.(16) En 1098 c’est le patriarche d’Antioche Jean IV qui procède à l’intronisation sur son territoire canonique qui ne lui est pas contesté dans ces premières années par les croisés et le clergé latin de l’évêque latin qui vient d’être consacré pour une ville Al Bara conquise aux arabes qui n’était jusqu’alors pas un évêché(17) . Il en sera ainsi pour d’autres cités. On se garda bien de donner à cette époque des évêques latins dans les villes pourvues d’un prélat grec. Bien plus, redisons-le, les patriarches d’Antioche et de Jérusalem considèrent le clergé et les fidèles latins comme faisant intégralement partie de leur troupeau, avec certes un autre rite, mais les questions dogmatiques n’étaient tout simplement pas abordées. Il faudra attendre que le « Prince » autoproclamé d’Antioche Bohémond chasse pour un motif injuste et strictement politique le patriarche grec Jean IV soupçonné de collusion avec les Arabes, et le remplace par un patriarche latin, pour que la rupture soit consommée entre l’Église Orthodoxe et l’Église Latine. Nous sommes au mois d’août 1100. C’est cette date que retient le grand historien byzantinologue Steven Runciman comme étant celle de la rupture définitive des Églises orthodoxes avec le monde Latin : « Ainsi du fait de Bohémond, deux lignées rivales de patriarches, grecs et latins, se disputaient désormais le siège d’Antioche ; aucune des deux ne voulait céder le pas à l’autre. Le schisme était consommé entre les deux Églises. »(18) Jusque-là seul le patriarcat de Constantinople, bien que les différents empereurs conservaient avec le pape une correspondance courtoise, avait observé la rupture de 1054 ; les autres Églises autocéphales ne s’étant pas engagées dans la confirmation du schisme.

Plus tard dans l’Empire de très nombreux mariages se feront entre la noblesse catholique et des membres des familles impériales après 1054 et jusqu’à la chute de Constantinople (1453). Anne de Savoie (Giovanna) fille du comte Amédée V de Savoie épouse l’empereur Andronic III et se convertit à l’Orthodoxie. L’idée même d’un re-baptême n’effleure pas les membres de la cour et du patriarcat de Constantinople. On verra même Jean Cantacuzène se scandaliser que le roi de Hongrie ait fait rebaptiser de force ses sujets bulgares, non pas uniquement parce que d’après lui ils étaient orthodoxes ; c’était le concept même entre les deux Églises d’un re-baptême que rejetait l’ex-empereur théologien. Il est à noter qu’à cette époque les Latins n’immergeaient plus pour le baptême mais procédaient à un simple ondoiement.

On appliquait, c’est très important de le souligner aujourd’hui, toujours à la même génération les recommandations que mentionnera plus tard, pourtant dans une période de guerre ouverte entre l’Église Orthodoxe et les Latins, saint Marc Eugénikos lui-même : « Pourquoi chrismons-nous les Latins qui reviennent à l’Orthodoxie ? A l’évidence parce qu’ils sont hérétiques. (…)Nous les recevons à condition qu’ils donnent un texte écrit, condamnant à l’anathème toute hérésie non conforme au dogme de la sainte Église de Dieu Catholique et Apostolique(19) , et qu’ils reçoivent pour être admis, le sceau ou chrismation, que nous faisons avec le Saint Chrême sur le front, les yeux, les narines, la bouche et les oreilles, en disant « Le sceau du don du Saint-Esprit » Tu vois dans quel groupe nous classons les Latins»(20) . On le voit à cette époque, contrairement aux affirmations de la confession de foi les catholiques retournant à l’Église Orthodoxe n’étaient pas rebaptisés mais bel et bien reçu par le sacrement de l’onction ! Saint Marc Eugénikos n’avait pas rejeté l’idée de discussions préalables à laquelle se refusent aujourd’hui tant les moines du Mont Athos que les signataires de la « Confession de foi » avec les représentants de l’Église Catholique, avant leur possible (ou impossible) conversion à l’Orthodoxie, aux Conciles de Florence (1437) et Ferrare (1439) auxquels le métropolite d’Éphèse participa. C’est uniquement lorsque saint Marc constata que la réfutation, pourtant fondée sur des écrits incontestables, de l’hérésie du « Filioque procedit » non seulement n’était pas admise par les Latins, mais que la partie auparavant orthodoxe pressée de signer l’union par l’empereur Jean VIII Paléologue (1425-1448) qui cherchait un appui militaire contre les Turcs en contrepartie de ses compromis, s’apprêtait à apostasier tant sur la question du Saint-Esprit que sur la suprématie du pape, qu’il quitta le concile.

C’est sans doute dans cette histoire qu’il faut chercher le refus de la partie zélote de l’Orthodoxie d’aujourd’hui de tout dialogue avec l’Église de Rome. Mais le concile de Florence Ferrare n’était pas un concile orthodoxe dans lequel on avait invité à débattre la partie catholique. C’était un concile conçu et organisé par la papauté romaine. Et ce n’est donc absolument pas à un tel état des choses, si un jour un conciliabule se réunissait pour débattre avec l’Église de Rome, qu’envisage le patriarcat de Constantinople, ni même aucun des patriarcats orthodoxes d’aujourd’hui. Un théologien faisait remarquer que ce concile de Ferrare Florence n’avait jamais eu dans sa forme comme dans son fond les caractéristiques d’un concile canonique et orthodoxe : Il était co-présidé par le pape sur un siège surélevé et l’empereur sur un siège plus bas, mais surtout en l’absence du Saint Évangile sur le trône principal de la salle du Concile qui représentant le Christ est le président de tout Concile véritablement orthodoxe. Aucun concile Orthodoxe n’aurait pu se réunir dans ces conditions.

Le pouvoir temporel du pape.

Un autre point qui fait débat aujourd’hui dans l’Église Orthodoxe, le plus complexe selon certains à résoudre avec celui de la primauté pontificale romaine, est celui de l’état du Vatican. Depuis la victoire par Charlemagne sur les Lombards en Italie, le Duxé (duché) de Rome est gouverné par le pape vassal de l’empereur. Les empereurs carolingiens tenaient à maintenir ce lien de vassalité avec le pape, car il leur donnait un véritable pouvoir sur celui-ci. De nombreux papes seront purement et simplement nommés par le monarque Carolingien ( Étienne IV (816-818) Valentin (827) Serge II (844-847, Benoit III (855-858) ou déposés (Serge II) sans autre forme de procès par lui, puis de nouveau intronisés. Les différents empereurs Carolingiens tenaient à ce lien de vassalité qui leur donnait, jusqu’à Nicolas Ier, et ensuite après la mort de celui-ci, un pouvoir civil et religieux important sur la papauté. Cela leur permettait de placer à partir de Louis le Pieux (roi d’Aquitaine : 781-814 et empereur d’Occident : 814-840) auprès de la Chancellerie Pontificale des contrôleurs civils chargés de veiller à la régularité des règles canoniques édictées par le pape, car à cette époque en Orient comme en Occident il n’y a qu’un seul code qui est à la fois civil et religieux. Il y eut des périodes où il exista un prince de Rome civil (la dynastie des Théophilactes), mais la tradition d’un pape chef temporel de Rome et du Duxé (duché) de Rome existait bien avant le schisme, lorsque le pape était orthodoxe, et cette question de son pouvoir temporel n’a jamais été soulevée par nos saints Pères comme un casus belli de leur communion avec l’évêque de Rome. Là encore, un peu de connaissance historique aurait évité aujourd’hui un tel débat.

Conclusion :

Un dialogue dans la vérité et l’amour, ni sans la Vérité ni sans l’amour.

Deux sortes d’erreurs peuvent se produire dans l’Église en ce qui concerne les « confession de foi ». 

La première est de ne pas connaître comment ont été discutées et gérées des situations semblables dans le passé et d’affirmer des « vérités » en se fondant uniquement sur des écrits de certains Pères, sans la concorde de tous les Pères, et surtout dans le fait de séparer les actes des paroles que ces Pères ont eues dans des circonstances semblables. Les actes des Pères de l’Église constituent une autre forme de leurs enseignements qui complètent leurs écrits.

La seconde plus fréquente qu’on ne le pense, c’est de s’appuyer pour faire des affirmations sur l’ignorance quasi générale du peuple orthodoxe non pas des beautés de sa foi qu’il aime et connaît, mais de son histoire et plus précisemment de la jurisprudence des Conciles Œcuméniques qui est supérieure en la matière à celle des conciles généraux.

Nous oublions facilement que l’intransigeance que nous exigeons quant à la reconnaissance des sacrements, de la présence de la grâce ou de son absence supposée dans une Église schismatique pour être réelle doit être sans exception. Cet article a montré combien dans l’histoire de notre Église de telles exceptions existent. Et nous aurions pu donner une centaine d’autres exemples. En voici un qui étonnera de nombreux croyants : saint Isaac le Syrien dont saint Jérôme d’Égine disait « Vends tout ce que tu as pour acheter les œuvres spirituelles de saint Isaac le Syrien » est un évêque Nestorien, le nestorianisme est une hérésie majeure. Pourrions-nous pour autant affirmer qu’il n’était pas baptisé, qu’il n’était donc pas chrétien, qu’il n’était pas évêque et que ces écrits n’ont pas été inspirés par l’Esprit Saint, et qu’il vivait en dehors de la grâce incréée ? Saint Silouane du Mont Athos s’adressant à un prêtre, qui vivait dans une nation Catholique, très fanatique vis-à-vis de « ces hérétiques » qui se vantait de s’adresser à eux ainsi : « je leur dis : votre foi est de la fornication. Chez vous tout est déformé, tout est faux, et vous ne serez pas sauvés si vous ne vous repentez pas (c’est-à-dire si vous ne devenez pas orthodoxes.) . Le grand Starets répondit : « Et dites-moi, Père Archimandrite, croient-ils en Jésus Christ ? Croient-ils qu’il est le vrai Dieu ?

- Oui, cela ils le croient.

- Vénèrent-ils la Mère de Dieu ?

- Oui, ils la vénèrent ; mais leur doctrine à son sujet est fausse ?

- Vénèrent-ils les saints ?

-Oui, ils les vénèrent, mais quels saints peut-il donc y avoir chez eux depuis qu’ils se sont séparés de l’Église ?

- Ont-ils des offices dans leurs églises, lisent-ils la parole divine ?

- Oui, ils ont des offices et des églises, mais si vous pouviez voir ces offices, en comparaison des nôtres quel froid, quelle absence de vie.

Et le saint de conclure : « Leur âme sait qu’ils font bien de croire en Jésus Christ, de vénérer la Mère de Dieu et les saints, de les invoquer dans leurs prières ; et si vous leur dites que leur foi est de la fornication, ils ne vous écouteront pas… mais dites au contraire qu’ils font bien de croire en Dieu ; de vénérer la Mère de Dieu et les saints(…) d’aller à l’église pour les offices(…) mais que sur tel ou tel point ils sont dans l’erreur qu’il faut corriger et qu’alors tout sera bien. Dieu est amour et la prédication doit, elle aussi, procédée de l’amour et alors elle sera salutaire pour celui qui prêche et pour celui qui l’écoute. Mais si vous condamnez l’âme du peuple, celui-ci ne vous écoutera pas. » (21) 

C’est cette voie que suivent, à notre avis les Églises Orthodoxes locales qui se sont engagées dans le dialogue difficile avec l’Église Catholique Romaine. C’est cette voie, celle du dialogue dans la Vérité et dans l’amour, la seule valable, que suit Sa Toute Sainteté le Patriarche Bartholomée, loin de tout fanatisme aveugle. Nous pensons que les mots « hérétique et schismatique », ne doivent pas être brandis comme des armes menaçantes et qu’ils sont tout simplement nuisibles à ce dialogue. Nous ne disons pas ici, que le « Filioque procedit », la théologie Romaine de la suprématie du pape, et bien d’autres points comme la non reconnaissance par les Catholiques de la théologie palamite de la grâce et des énergies incréées qui n’est pas abordée regrettablement dans le « Confession », ne sont pas des hérésies. Nous n’avons dans l’Église Orthodoxe utilisé ce qualificatif envers des personnes qu’après avoir épuisé avec elles toute discussion. Nestorios n’était pas qualifié d’hérétique par saint Cyrillios dans les courriers que celui-ci lui envoyait. C’est uniquement après, lorsqu’il fut évident que le patriarche de Constantinople refusait toute forme de dialogue, était fermé à toute discussion que la sentence du Concile Œcuménique de Chalcédoine tomba et qu’il fut proclamé hérétique. Le dernier Concile à valeur œcuménique sur les deux questions principales qui inquiètent tant les moines du Mont Athos, que les signataires de la «Confession», est celui de Constantinople de 879 dans lequel le pape Jean VIII représenté par ses légats renonce aux prétentions du pouvoir du pape au dessus ces Conciles et des autres évêques de ses deux prédécesseurs Nicolas Ier et Hadrien Ier, et condamne sans équivoque le « Filioque procedit ». Ce fait ne devrait-il pas constituer un point de départ positif dans notre dialogue avec l’Église Romaine ?

Depuis, il n’y a jamais eu de concile à valeur œcuménique sur ces deux questions, et les pseudo conciles de Lyon et Ferrare Florence n’avaient pas ni dans leur organisation ni dans leur forme, les fondements de conciles véritablement orthodoxes. La partie Catholique s’est toujours montrée ouverte à une certaine remise en cause sur les points dogmatiques abordés. Il n’y a jamais eu de rupture des discussions avec des préalables de sa part qui auraient été insoutenables pour la partie Orthodoxe, même si les discussions sont difficiles - et comment ne le seraient-elles pas après un divorce de près de 1000 ans ? -. Le patriarche Bartholomée avec l’ensemble des délégations Orthodoxes s’honore en disant « Frères » aux membres de la délégation Catholique. C’est ainsi que dans notre Église par le passé toutes les discussions ont commencé, dans l’amour et la vérité.

Réunissons un concile général

Mais le véritable problème, c’est que nous avons depuis cinquante ans placé la charrue avant les bœufs en avançant dans le dialogue œcuménique, ce qui est louable, mais sans avancées réelles vers la réunion d’un concile général de l’ensemble de l’Église Orthodoxe. Ce qui constitue plus qu’une erreur : un péché contre l’Église. La crise que nous connaissons n’a pas d’autres racines. Les conflits entre certaines Églises autocéphales aboutissent au fait regrettable que nous arrivons parfois divisés dans notre dialogue avec les Catholiques, comme dernièrement à Ravenne. Les intégrismes que nous laissons s’installer n’ont pas d’autres causes que la non réunion d’un concile général. Beaucoup en conviennent. Le patriarche Bartholomée s’honorerait de prendre véritablement en main cette question urgente de la convocation d’un concile général. Il ne faut plus le préparer, quand nous savons que les premiers membres des commissions préparatoires de Rhodes (22) sont trépassés depuis longtemps. Il faut réunir ce concile en fixant une date, même dans dix ans, mais sortir de l’abstraction de réunions préparatoires auxquelles plus personne ne croit et qui discréditent notre Église en laissant le champs libre à tous les intégrismes qui se placent alors comme les seuls autorités universelles de l’Église que l’on doit écouter parce qu’en vérité une telle autorité chez nous existe et elle n’est pas un évêque au dessus des évêques mais le concile.

Des communiqués tels que celui-ci des moines athonites (23) daté du 8 octobre 2009 n’aurait plus leur raison d’être si un concile à vocation œcuménique se réunissait avec le plérum de l’Église, l’ensemble de l’épiscopat qui serait alors le seul à avoir le charisme de s’exprimer dans le concile sur toutes ces questions.

C’est l’absence de concile qui donne à ces nobles voix le poids qu’elles ont aujourd’hui au sein de l’Église Orthodoxe, même si parfois certaines de leurs affirmations, comme celles que nous avons citées dans notre article, ne sont pas recoupées par de véritables preuves historiques ni théologiques.

Recouvrons la parole étouffée depuis plus de mille ans des conciles œcuméniques afin « d’entendre ce que l’Esprit dit aux Église ». (24) 

+Métropolite Michel Laroche

(1) Mot de la théologie orthodoxe signifiant l’application miséricordieuse d’une règle canonique. A l’opposé l’acribie consiste en l’application rigoureuse du même canon. Mais l’économie comme l’acribie sont également un état d’esprit concernant l’interprétation des commandements évangéliques dans la vie de l’Église : « Le sabbat est fait pour l’homme( économie) et non l’homme pour le sabbat ( acribie) ».

(2)Sa fête est célébrée dans le calendrier Byzantin le 2 juillet.

(3) Jean Meyendorff in « Unité de l’Empire et divisions des chrétiens ». P 189 Éd. Du Cerf Paris 1993

(4) Lc XV, 11-30

(5) L’empereur Jean V Paléologue ( 1341-1376 et 1379-1391) s’étant converti personnellement au catholicisme ne pouvait plus ni convoquer le concile ni le présider. Cette conversion n’avait eu aucune influence sur l’Église ou sur le peuple. Elle était considérée comme une affaire de conscience personnelle du souverain.

(6) In « Les derniers siècles de Byzance – 1261-1453 par Donald M. Nicol. P. 291 Texto ED. Tallendier Paris 2008

(7) Ibidem P. 292

(8) Aucun évêque Occidental ne se rendit au concile, ce dont se plaint saint Photios dans une lettre adressée au patriarche d’Aquillé.

(9) Rédigées sous la forme de 27 articles en 1075, dont l’un énonce que le pape est supérieur aux conciles.

(10) « Sardique » l’actuelle « Sophia », capitale de la Bulgarie. Ce concile se réunit sous la présidence d’Hosius de Cordoue Le 22 mai 347 pour examiner les appels auprès du pape Jules de Rome de saint Athanasios d’Alexandrie de Marcel d’Ancyre et d’Asclépas de Gaza tous trois déposés de leur siège au profit d’évêques ariens.

(11) In « Histoire de l’Église P 364, T 6 L’époque carolingienne » par Émile Amann. Éd. Bloud et Gay, Paris 1947 et In « Ecclésiologie du Haut Moyen-Age » par Yves Congar P 212-216 Éd. du Cerf 1968.

(12) « Les Regestres des actes du patriarcat de Constantinople » Vol. 1 Fasc. 1 et 2 N°495 P 119 Éd. Par Venance Grumel. Institut d’Études Byzantine Paris 1989.

(13) « Les Regestres des actes du patriarcat de Constantinople » Vol. 1 Fasc. 1 et 2 N°499 P 121 Éd. Par Venance Grumel. Institut d’Études Byzantine Paris 1989.

(14) Ibidem N° 500 P 122.

(15) « Les Regestres des actes du patriarcat de Constantinople » Vol. 1 Fasc. 1 et 2 N°495 P 119 Éd. Par Venance Grumel. Institut d’Études Byzantine Paris 1989.

(16) In « Histoire des croisades » par Steven Runciman P. 196-197 Ed Tallandier. Paris 2006

(17) Ibidem P.224-225

(18) Ibidem P. 277.

(19) La terminologie « Catholique » n’appartient pas à l’Église latine mais à l’Église Orthodoxe qui est Catholique c’est à dire universelle. Dans le symbole la foi récité chaque dimanche nous proclamons que « l’Eglise est une sainte Catholique et Apostolique ».

(20) Encyclique de saint Marc d’Éphèse à tous les chrétiens orthodoxes de la terre et des iles. In « la lumière du Thabor P. 23 N° 10 2ème trimestre 1986

(21) Archimandrite Sophrony « Le starets Silouane » P.62-63 Ed. Présence Paris.1996

(22) Ière Conférence pan-orthodoxe de Rhodes : 24 septembre Ier octobre 1961. Et ensuite : Rhodes : 1963 ; Rhodes : 1964 ; Chambésy : 1968 ; Chambésy : 1971 ; Chambésy : 1976 ; Chambésy : 1982 ; Chambésy deux fois en : 1986 ; Chambésy : 1990 ; Chambésy : 1993 ; Chambésy : 1995 ; Chambésy : 2009. 

(23) « Décision officielle de la Sainte Communauté du Mont Athos au sujet de la réunion de la communion mixte du dialogue entre l’Église Orthodoxe et les Catholiques Romains. La sainte communauté a pris la décision suivante : A travers les siècles la Sainte Montagne reste, par la grâce du Christ la fidèle gardienne de la sainte foi orthodoxe, que les apôtres prédicateurs de Dieu ont transmis à l’Église et que nos Pères Théophores avec les saints conciles œcuméniques ont préservé intacte. Cette tradition a été fidèlement (conservée) par les Pères athonites qui nous ont précédés. » Ensuite vient le texte dont nous avons cité une petite partie concernant le préalable à exiger des catholiques Romains.

(24) Apoc. II, 7

Lettre Pastorale de Pâques 2016


Le Christ est Ressuscité !  Le Christ Ressuscité est dans notre cœur,  et le monde est dans l’Apocalypse.

Par Son Éminence le Métropolite Michel de Paris et de toute la France.


Christ est Ressuscité ! 

Des troubles ravagent notre pays et les nations voisines. Il y a seulement soixante-dix ans, il y avait la seconde guerre mondiale. Depuis, les conflits n’ont cessé de lézarder notre planète. Des cyclones, des raz de marée, tremblements de terre récents la ravagent et donnent leurs lots de morts. Des attentats, des exécutions, le martyr des chrétiens d’Orient et d’Afrique nous interpellent. Des batailles politiques entre nos dirigeants nous choquent et nous questionnent. La pauvreté, la misère et la famine touchent une partie de notre planète quand elle n’est pas tout simplement devant notre porte. 

Où donc se trouvent dans tout cela, dans tous  ces troubles, les signes de la Résurrection ? 

Lorsque l’on se remémore les premières années de l’Église, après la Résurrection du Christ et la descente de l’Esprit Saint sur les apôtres,  nous sommes interrogés  au plus profond de notre intelligence humaine (et donc limitée), par la suite d’épreuves, d’échecs et de persécutions qui s’abattent sur l’Église naissante. 

Le monde comme tel, indifférent à Dieu, n’est pas non plus épargné. Saul commença par persécuter les chrétiens avant de devenir l’Apôtre des nations ; par un étrange raisonnement, l’empereur Tibère après avoir lu le rapport de son préfet Ponce Pilate sur l’arrestation et la crucifixion de Jésus, propose que l’on place Celui-ci dans le Panthéon des dieux : les romains, tolérant en la matière, accueillaient volontiers les dieux des autres nations. Tibère décède le 16 mars 37 et c’est son neveu Caïus surnommé Caligula qui lui succède avec les excès que l’on connaît, faisant régner dans l’empire un climat de terreur digne du nazisme ou du bolchévisme. Caligula fait d’Agrippa le roi des Juifs son ami et exile en représailles Pilate en Gaule à Vienne, sur le Rhône. Toujours en 37 Paul échappe à Damas à une tentative d’assassinat.  En 39  Herode Antipa tétrarque de Galilée et de la Perée  qui avait comme épouse Hérodiade sa nièce, sœur d’Agrippa, va trouver Caligula pour obtenir également le titre de roi ; mais accusé de conspiration par Agrippa son  neveux, Caligula le dépouille de tous ses titres, de son rang royal et de ses biens qu’il donne à Agrippa et le relègue à Lyon, d’où celui-ci s’enfuit en Espagne avec son épouse Hérodiade terminant leur vie dans la misère. 

Pilate se suicide dans son exil. Caligula périt  lui-même le 14 janvier 41, assassiné par sa propre garde. Saint Pierre qui a dirigée l’Eglise d‘Antioche durant sept années,  sous l’inspiration du Saint Esprit laisse la direction de cette Église à son disciple Evode qui en sera le premier évêque durant vingt-huit ans ( les apôtres sont des Apôtres et non des évêques qui ne sont que leurs successeurs). Saint Pierre   arrive cette année-là à Rome pour  y  prêcher l’Évangile. 

En 44, une famine sans précédent frappe l’empire romain c’est-à-dire pour l’antiquité le monde connu. Hérode Agrippa persécute les chrétiens, fait arrêter et exécuter en lui tranchant la tête, Jacques le Majeur, fils de Zébédée, le frère de Jean. Le martyre de son successeur, le « frère »   du Christ, Jacques le Mineur, se produira en 62 : il sera précipité du haut de la terrasse du temple par des juifs. 

En 51 se réunit à Jérusalem  le premier Concile de toute l’Église à propos des circoncis et des incirconcis. Ce premier concile  manifeste que, dans l’Eglise, même parmi les saints, il peut y avoir des désaccords profonds, tels que  ceux qui existent aujourd’hui entre le patriarcat  Moscou et le patriarcat de Kiev ; le patriarcat de Roumanie et le patriarcat de Moscou sur les deux Eglises Moldaves, l’une relevant du patriarcat de Bucarest et l’autre  de patriarcat de Moscou ; le patriarcat de Serbie et l’Eglise autocéphale de Macédoine ; le patriarcat de Constantinople et le patriarcat de Moscou sur la question des deux Eglises Estoniennes : l’une relevant du patriarcat de Moscou et l’autre du patriarcat de Constantinople. Seul le concile permet sous l’inspiration du Saint Esprit de résoudre les conflits ecclésiologiques, les questions dogmatiques ou de disciplines dans l’Eglise,  entre les Eglise sœurs: «  Les apôtres et les anciens, vos frères, aux frères de la gentilité qui sont à Antioche, en Syrie, et en Cilicie, salut ! Ayant appris que, sans mandat de notre part, certaines gens venus de chez nous ont, par leur propos, jeté le trouble parmi vous et bouleversé vos esprits, nous avons décidé d'un commun accord de choisir des délégués et de vous les envoyer avec nos bien-aimés Barnabé et Paul, ces hommes qui ont voué leur vie au nom de notre Seigneur Jésus-Christ. Nous vous avons donc envoyé Jude et Silas, qui vous transmettent de vive voix le même message. L'Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé de ne pas vous imposer d'autres charges que celles-ci qui sont indispensables : vous abstenir des viandes immolées aux idoles, du sang, des chairs étouffées et des unions illégitimes. Vous ferez bien de vous en garder. Adieu. » ( Act XV, 23-29).

Le célèbre décret du Concile  rédigé par les Apôtres et les premiers évêques commence ainsi : « L’Esprit Saint et nous … ». La même année, nous voyons apparaître d’autres désaccords qui vont voir s’affronter à Antioche le coryphée des Apôtres qui a connu intimement le Christ, Pierre et l’Apôtre des Nations, Paul ; cette fois-ci  sur la question des gentils et des judéo-chrétiens fanatiques. Ces derniers ne voulaient pas de la conversion des non-juifs. Paul reprochant à Pierre sa pusillanimité. En effet, Pierre qui, dans un premiers temps, accueillait les gentils, se sépare d’eux lorsque des judéo-chrétiens arrivent à Antioche pour ne pas les choquer. Paul réprimande brutalement publiquement Pierre d’avoir agi contre l’Evangile, c’est-à-dire la Bonne nouvelle annoncée à toutes les nations et pas uniquement aux Juifs. (Gal II 11-14) 

C’est sans doute ici que prend naissance  dans l’Eglise, malgré l’incontestable sainteté des protagonistes, la naissance de la division et des schismes qui s’en suivront et qui scandalisent encore de nos jours  les croyants qui disent « nous sommes venus dans l’Eglise pour y trouver la paix et non la guerre ! »

En 61,  Saint Paul arrive en captivité comme citoyen romain entouré d’égards et jouissant d’une certaine liberté.  Il peut continuer à prêcher l’Evangile et il convertit  beaucoup de personnes. En 62 toujours à Rome en attendant son jugement, il écrit ses épitres aux Philippiens et aux Ephésiens. Lazare le ressuscité s’éteint le 17 décembre.
En 63 Paul toujours à Rome est remis en liberté. 

En 64, la capitale de l’Empire est détruite par un incendie. Cet événement  est comparable aujourd’hui à la destruction par le feu ou un bombardement  de Paris ou de Rome. Néron qui est à l’origine de cet incendie, en fait tomber la responsabilité sur les chrétiens qui subirent les persécutions comparables en tout point à celle de Daech aujourd’hui. 

En 65, c’est le commencement de la guerre de Judée : Cestius Gallus Gouverneur romain  de Syrie, accompagné du roi Agrippa marche contre les séditieux. Ils pillent et brûlent de nombreuses cités et villages, mais devant les murs de Jérusalem ils sont battus.

Dans l’année  66, Paul et Pierre sont de retour à Rome.  Unis dans la foi, unis dans la proclamation de l’Evangile, unis dans leur Amour du Christ, ces apôtres de Rome seront unis dans le martyr : L’un crucifié et l’autre décapité.

Durant ces trente-trois années après la Résurrection du Christ,  il y eut des guerres dans le monde, des tremblements de terres,  des éruptions volcaniques, des cyclones, des famines…

Souvenons- nous les paroles prophétiques du Christ : « Vous entendrez parler de guerres et de bruits de guerres : gardez-vous d'être troublés, car il faut que ces choses arrivent. Mais ce ne sera pas encore la fin. Une nation s'élèvera contre une nation, et un royaume contre un royaume, et il y aura, en divers lieux, des famines et des tremblements de terre.… » (Mt XXIV 6-7)

Pour qui connaît un peu l’histoire, depuis la Résurrection du Christ,  il y a toujours eu des guerres, il y a toujours eu des complots politiques, il y a toujours eu des persécutions antichrétiennes. 

Notre monde depuis la Résurrection de Notre Seigneur Dieu et Sauveur Jésus christ est dans les douleurs de l’enfantement que constitue la Seconde venue du Christ, l’Apocalypse, (mot qui, en grec, signifie « révélation »). L’Apocalypse  telle qu’elle est rédigée par saint Jean le Théologien n’est  pas à venir : elle commence dès la Résurrection du Christ. Quel en est la profondeur de son message ? « Ne vous inquiétez pas du lendemain car le lendemain aura à s’inquiéter de lui-même. » (Mt VI, 33) Paroles auxquelles il faut attacher celles qui précédent : « Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu; et toutes ces choses vous seront données en surcroit. A chaque jour suffit sa peine. »  (Mt VI, 32) 

La préoccupation du Seigneur n’est pas la sécurité dans cette vie, ni l’établissement de Son Royaume sur la terre. Lorsque les juifs voulurent Le faire roi, Il se déroba. 

La préoccupation du Seigneur ne consiste pas en  l’établissement de cette  paix sur  terre que prônent les nations, mais l’acquisition, par la prière et le pardon universel, de  la Paix intérieure, celle « qui surpasse toute intelligence et garde nos cœur en Jésus Christ »,(Philp. IV, 7). 

La préoccupation du Seigneur, c’est, pour tous les hommes,  la recherche du Royaume des Cieux, c’est-à-dire l’acquisition du Saint Esprit. Sans la prière qui donne l’Esprit Saint, nous sommes des asphyxiés spirituels, des morts dans la véritable Vie. Il faut, selon la parole des pères du désert, « respirer l’Esprit Saint », c’est-à-dire prier et encore prier : Faire rentrer dans notre cœur le Christ Ressuscité, par la prière dans l’Esprit saint. Et pour cela relativiser le monde dont les troubles ne cesseront qu’à la fin du monde : sujet de crainte pour les gens du monde et d’espérance pour les véritables chrétiens.

Les signes de la Résurrection qui sont une victoire sur la mort et sur le monde ne sont donc pas à chercher dans ce monde mortifère.

Les signes de la Résurrection sont à trouver au plus profond de notre cœur, lorsque nous y faisons entrer, par  la prière, le Christ Ressuscité. Car la résurrection sans le Ressuscité est un non-sens.  La Résurrection,  c’est le Christ Ressuscité qui nous communique intérieurement Sa Paix et Sa Joie, dans le tombeau et la croix que constitue pour nous le monde. 

Les troubles actuels que notre monde connaît, constituent l’agonie de ce monde et annoncent sa fin et la venue  de la parousie, de la résurrection générale, du Jugement dernier et de la Vie éternelle du Royaume transfiguré dans le Paradis.

Sommes-nous crucifiés au monde ?  C’est pour ensevelir notre âme dans le tombeau  afin d’y recueillir la lumière de la Résurrection du Christ.

Sommes-nous morts au monde ? C’est en le dépassant que nous trouvons la Terre Promise de la Résurrection. 

Sommes-nous persécutés par le monde ? C’est pour nous unir sur la Croix au Christ Qui nous conduira, après Son ensevelissement volontaire et Sa descente aux Enfers à Sa lumineuse Résurrection.

C’est la signification de ces deux odes pascale de saint Dean Damascène :

« Maintenant, tout est inondé de lumière, le ciel, la terre et les enfers ; que toute créature célèbre la résurrection du Christ, en Qui est notre force. 

Hier, j'étais enseveli avec Toi, ô Christ : 
aujourd'hui,  je me réveille avec Toi, le Ressuscité. 

Hier, j'étais crucifié avec Toi : 
Sauveur, glorifie-moi avec Toi dans Ton Royaume » ( Ode III) 

 La résurrection est l’espérance du monde ! 

Le Christ est Ressuscité ! 
Le I mai 2016
+ Métropolite Michel de Paris et de toute la France.

Пастырское послание 2016 года.

Христос Воскресе! Христос Воскресе в нашем сердце; Апокалипсис и мир.

Его Высокопреосвященства Митрополита Михаила Парижского и всей Франции.

Христос Воскресе!

Нестроения разрушают нашу страну и соседние народы. Только 70 лет назад закончилась Вторая Мировая война. После этого вражда не прекращает терзать нашу планету. Ураганы, многие другие стихийные бедствия, или недавние землетрясения, опустошают мир, принося новые жертвы. Убийства, казни, мучения христиан Востока и Африки вопиют к нам. Политические дрязги наших политиков просто шокируют и приводят в недоумение. Бедность, нищета и голод так распространились в мире, что находятся уже прямо пред нашей дверью.
В чём же имменно, среди всех этих скорбей, видны знамения Воскресения Христова?
Когда мы вспоминаем первые после Воскресения Христа годы Церкви и схождение Святого Духа на Апостолов, в самой глубине нашего человеческого (всегда ограниченного) разума возникает вопрос о причинах последующих испытаний - гонениях и притеснениях обрушившихся на зарождающуюся Церковь.
Мир, безразличный к Богу, каковой он есть сейчас, таковым был и всегда. Саул, прежде чем стал Апостолом языков Павлом, начинал с того, что преследовал христиан. Странно рассудив, Император Тиберий, прочитавший сообщение своего прокуратора Понтия Пилата об аресте и распятии Иисуса, предложил его поместить в Пантеон богов, в который веротерпимые в данном смысле римляне охотно помещали богов других народов. Tиберий умирает 16 марта 37 года и его племянник Гай, прозванный Калигула, наследовал ему со своими злоупотреблениями, о которых нам известно, воцарив в империи климат ужаса, схожий с эпохой нацизма и большевизма. Калигулa, действуя в интересах своего друга, иудейского царя Агриппы, изггнал Пилата в Галлию во Виенну на Роне. В 37 году Павел бежит из Дамаска. В 39 г. Четвертовластник Галилеи Ирод Агриппа и Пирр, женатый на своей племяннице Иродиаде, сестре Агриппы, обратился к Калигуле, чтобы также получить титул царя. Но Калигула его обвинил в заговоре, лишил звания царя, имущества и изгнал в Лион, откуда тот сбежал в Испанию со своей супругой Иродиадой, где они закончили свои дни в нищете.
Пилат в ссылке кончает жизнь самоубийством. Калигула сам погибает 14 января 41 г., убитый своей собственной охраной. Святой Пётр, который под водительством Святаго Духа правил Церковью Aнтиохии в течение семи лет, оставляет Антиохийскую кафедру своему ученику Еводию, который станет первым епископом, правившим на протяжении такого большого срока: двадцати восьми лет (апостолы стали Апостолами; епископы же, - их преемниками). Святой Пётр прибывает в этом же году в Рим с тем, чтобы самому проповедовать Евангелие.
В 44 невиданный голод, какой только знал известный нам мир древности, поражает Римскую Империю. Ирод Агриппа преследует христиан, приказал схватить и обезгллавить Иакова, старшего сына Зеведея, брата Иоанна. Его преемник в Иерусалиме, Иаков младший - "брат" Христа, стал мучеником в 62 году, будучи сброшен с крыла Храма иудеями.
В 51 г. в Иерусалиме собирается Первый Церковный собор по вопросу обрезания и необрезания. Этот первый Церковный Собор показыввает, что в самой Церкви и среди святых могут быть глубокие несогласия, подобные тем, что и сегодня существуют между патриархатами Москвы и Киева, патриархатами Румынии и Москвы в обеих Молдавских Церквах: одной патриархата Бухареста, а другой патриархата Москвы, патриархатом Сербии и автокефальной Церковью Македонии, патриархатом Константинополя и патриархатом Москвы по вопросу обеих Эстонских Церквей: патриархатов Москвы и Константинополя. Только церковный собор может, под вдохновением Святаго Духа, разрешать конфликты, экклезиологические или догматические споры в Церквах-Сёстрах. «Апостолы и пресвитеры и братия – находящимся в Антиохии, Сирии и Киликии братиям из язычников: радоваться. Поелику мы услышали, что некоторые, вышедшие от нас, смутили вас своими речами и поколебали ваши души, говоря, что должно обрезываться и соблюдать закон, чего мы им не поручали, то мы, собравшись, единодушно рассудили, избрав мужей, послать их к вам с возлюбленными нашими Варнавою и Павлом, человеками, предавшими души свои за имя Господа нашего Иисуса Христа. Итак мы послали Иуду и Силу, которые изъяснят вам то же и словесно. Ибо угодно Святому Духу и нам не возлагать на вас никакого бремени более, кроме сего необходимого: воздерживаться от идоложертвенного и крови, и удавленины, и блуда, и не делать другим того, чего себе не хотите. Соблюдая сие, хорошо сделаете. Будьте здравы». (Деян XV, 23-29) Это знаменитое постановление Собора, написанное Апостолами и первыми епископами, начинается так: «Изволися Святому Духу и нам…» 
В том же году мы видим как появляются и другие несогласия, которые имели место в Aнтиохии между Корифеем Апостолов, близко знавшего Христа, Петром и Апостолом Языков Павлом, - на этот раз по вопросу язычников и фанатичных иудео-христиан, которые не хотели обращения в истинную веру для не-евреев. Павел упрекнул Петра его в малодушии. Действительно Пётр, который поначалу принимал язычников, отстранился от них, когда адепты иудео-христианства появились в Aнтиохии чтобы смущать последних. Павел публично делает жесткий выговор Петру, действовавшего против Евангелия, то есть Благой Вести, Которая проповедана должна быть во всех народах, а не только евреям. (Гал II 11-14) Без сомнения, именно здесь, несмотря на несомненную святость главных действующих лиц,  берёт своё начало история разделений и расколов в Церкви, которые продолжают смущать еще и в наши дни верующих, говорящих «мы пришли в Церковь чтобы в Ней найти мир, а не войну».
В 61 г. святой Павел пребывает под стражей как римский гражданин, но может принимать посетителей и пользуется некоторой свободой, продолжает проповедовать Евангелие, обращая множество людей. В 62 г. - по-прежнему в Риме, ожидая своего суда, он пишет свои Послания Филиппийцам и Eфесянам. Воскресший Лазарь вновь умирает 17 декабря.
63 г. - отпущенный на свободу Павел, всё ещё в Риме.
В 64 году столица Империи Рим разрушена пожаром. Это событие и сегодня может быть сравнимо с известными разрушенииями огнём или бомбардировками, Парижа. Нерон, истинный виновник этого пожара, обвиняет в этом христиан, которые подверглись за это казням, сравнимым с тем, что делает сегодня Игил.
65 год - начало Иудейской войны: Римский правитель Сирии Гай Цестий Галл, сопровожденный королем Агриппой, идет против мятежников. Они грабят и сжигают многочисленные населенные пункты и деревни, но перед стенами Иерусалима встречают отпор.
В 66 году Павел и Пётр возвращаются в Рим. Соединенные в вере, в проповеди Евангелия, соединенные в любви ко Христу, каждый из Апостолов Рима, будут соединены и в мученичестве. Один будет распят, другой - обезглавлен.
В течение этих тридцати трех лет после Воскрешения Христа, было очень много войн в мире, землетрясений, извержений вулканов, потопов и голода…
Вспомним пророческие слова Христа: «Также услышите о войнах и о военных слухах. Смотрите, не ужасайтесь, ибо надлежит всему тому быть, но это еще не конец: ибо восстанет народ на народ, и царство на царство; и будут глады, моры и землетрясения по местам.…» (Mф XXIV 6-7)
Наш мир, начиная с Воскресения Господа Бога Нашего и Спасателя Иисуса Христа, живёт в болях деторождения Второго и Страшного Пришествия Христа - Апокалипсиса, слово, которое на греческом языке означает откровение. Апокалипсис, как он написан святым Иоанном Богословом, не в будущем: он начинается с Воскресения Христа. Об этом говорится - в глубине послания: «Не пецытеся убо на утрей, утрений бо собою печется: довлеет дневи злоба его.» (Мтф VI, 33) Эти слова имеют прямую связь с предшествующими ими:
«Ищите же прежде Царства Божия и правды Его, и сия вся приложатся вам. Довлеет дневи злоба его.»  Mтф VI, 32)
Забота Господа была не о Его личной безопасности в этой жизни, ни об основании Своего царства на земле. Когда евреи захотели его сделать царём, он скрылся от них.
 Воля Господа не состоит в обязательном утверждении мира на земле, который так любят народы, но в приобретении молитвой и прощением того внутреннего мира, о котором сказано как о «мире Христовом превосходяй всяк ум да соблюдет сердца ваша» (Филипп IV, 7).
 Промысел Божий направлен на то, чтобы все люди искали Небесного Царствия, то есть стяжали бы Святой Дух. Без молитвы, которая подает Святой Дух, мы - духовно удушены и мертвы к истинной жизни. Необходимо, как отцы-пустынники, «дышать Святым Духом», то есть молить в Святом Духе вернуться в наше сердце Воскресшего Христа. И понять относительность мира сего и его стихий, которые не прекратятся и к концу мира – то чего так боятся люди светские и что является предметом надежды для настоящих христиан.
Знамений Воскресения, которое является победой и над смертью и над миром сим, не должно искать в этом тленном мире.
Знамения Воскресения могут быть найденны в самой глубине нашего сердца, когда мы входим туда с молитвой Воскресшему Христу. Поскольку воскресение без Воскресшего – не имеет смысла. Воскресение это именно Воскрешенный Христос, Который нам даёт Свой мир и внутренне делится Своей радостью, во гробе и на кресте, которые есть для нас этот видимый мир.
 Скорби, познаваемые сейчас миром свидетельствуют о конце этого мира и говорят о Втором пришествии Христа и общем воскресении, Страшном суде, и вечной преображённой жизни во Царствии Божием.
 Мы распяты в мире с тем, чтобы сохранить нашу душу во гробе с тем, чтобы там воссиял Свет Воскресения Христова.
 Мы умерли для мира, преодолевая его с тем, чтобы обрести обетованную землю воскресения.
 Нас гонит мир, и это с тем чтобы соединить нас на Кресте со Христом, который и нас приведет, после Его добровольного погребения, снисхождения во ад, к светлому Воскресению.
 Именно в этом - пасхальное значение этих двух песней святого Иоанна Дамаскина:
 «Ныне вся исполнишася света, Небо же и земля и преисподняя:
да празднует убо вся тварь востание Христово, в Немже утверждается.
Вчера спогребохся Тебе, Христе, совостаю днесь воскресшу
Тебе, сраспинахся Тебе вчера, Сам мя спрослави, Спасе, во Царствии Твоем.»
 (Песнь III) 

Воскресение это надежда мира!  

Христос Воскресе! 

1 мая 2016 года. 
+Митрополит Михаил Парижский и всей Франции.



Lavement des mains à Cuba.
Ou les véritables  enjeux géopolitiques de la déclaration commune de Cuba  du Pape François et du patriarche Kyrill,  signée le 12 02 2016.

Le Patriarche de Moscou qui ambitionne de supplanter comme « pape de la Troisième Rome » celui de la Seconde Rome ( Constantinople) le patriarche Bartholoméos, a joué un coup de maître sur l’échiquier des rapports entre les Églises sœurs Orthodoxes.

Le rappel du schisme de 1054  qui a été fait par l’ensemble des médias, et qui dans leur ignorance de la question ne savent pas  qu’il  n’a jamais concerné l’Église Russe, ni d’ailleurs celle d’Ukraine, mais uniquement le Patriarcat de Constantinople en 1054,  schisme qui  à l’époque n’avait pas été appliqué ni par le Patriarcat d’Alexandrie, ni par le Patriarcat d’Antioche, ni par celui de Jérusalem.   Ces trois patriarcats se séparèrent de la communion avec l’Église de Rome qu’à la suite des horribles massacres perpétrés par les Croisés, cent ans plus tard. Quand à l’Église Russe elle ignora ce schisme elle aussi jusqu’aux Croisades, mais dans un tout autre contexte historique. Elle ne s’y intéressait tout simplement pas et en particulier l’Église de Kiev indépendante de l’Église Russe, constituée alors en exarchat autonome du Patriarcat de Constantinople, s’alignait tardivement sur la position de son Église Mère sans s’impliquer d’avantage ; donc « exit » 1054 ! Sans rapport avec le sujet.

Le succès planétaire  en terme d’image de la rencontre d’un patriarche russe avec le Pape François  qui a capté tous les projecteurs des médias du monde occidentale ( Il n’y a pas eu une seule ligne sur cet événement  dans les médias chinois, et malaisiens par exemple !) a éclipsé et jeté dans les oubliettes de l’histoire toutes les rencontres précédentes faiblement médiatisées entre le premier patriarche de l’Église  Orthodoxe Sa Sainteté Bartholomée Ier, Patriarche de Constantinople  et le pape François dont la plus importante s’était déroulée à Jérusalem le 30 novembre 2014. Elle renouvelait pourtant toutes les rencontres des papes précédents avec le patriarche de Constantinople jusqu’à celle initiale où furent levés le 7 décembre 1965 les anathèmes de 1054  par les évêques  de  la première et la seconde Rome: Le patriarche Athénagoras et le Pape Paul VI. 

Rien de tel dans la rencontre du patriarche Kyrill avec le Pape François. Sur les 30 articles rédigés et signés par les deux pontifes ceux qui concernent la situation qui prévaut actuellement en Ukraine sont les article 25, 26, 27 que nous citons intégralement :

« 25. Nous espérons que notre rencontre contribuera aussi à la réconciliation là où des tensions existent entre gréco-catholiques et orthodoxes. Il est clair aujourd’hui que la méthode de l’«uniatisme» du passé, comprise comme la réunion d’une communauté à une autre, en la détachant de son Église, n’est pas un moyen pour recouvrir l’unité. Cependant, les communautés ecclésiales qui sont apparues en ces circonstances historiques ont le droit d’exister et d’entreprendre tout ce qui est nécessaire pour répondre aux besoins spirituels de leurs fidèles, recherchant la paix avec leurs voisins. Orthodoxes et gréco-catholiques ont besoin de se réconcilier et de trouver des formes de coexistence mutuellement acceptables.

26. Nous déplorons la confrontation en Ukraine qui a déjà emporté de nombreuses vies, provoqué d’innombrables blessures à de paisibles habitants et placé la société dans une grave crise économique et humanitaire. Nous exhortons toutes les parties du conflit à la prudence, à la solidarité sociale, et à agir pour la paix. Nous appelons nos Églises en Ukraine à travailler pour atteindre la concorde sociale, à s’abstenir de participer à la confrontation et à ne pas soutenir un développement ultérieur du conflit.

27. Nous exprimons l’espoir que le schisme au sein des fidèles orthodoxes d’Ukraine sera surmonté sur le fondement des normes canoniques existantes, que tous les chrétiens orthodoxes d’Ukraine vivront dans la paix et la concorde et que les communautés catholiques du pays y contribueront, de sorte que soit toujours plus visible notre fraternité chrétienne. »

Ce sont ces deux Églises locales Ukrainiennes,  l’Église Greco-Catholique et le Patriarcat de Kiev,  qui sont visées dans les trois articles 25, 26 et 27.

Pour des personnes peu au fait de la réalité de la situation en Ukraine, ces appels à la paix peuvent paraitre iréniques ;  mais comme les photos publiées en fin dans notre article le montrent, le patriarche Kyrill lui-même, et les prêtres du patriarcat de Moscou, bénissent les armées russes qui envahissent le territoire ukrainien, ainsi que les armes.

Le Patriarche Filaret de Kiev et de toute la Russ’Ukraine bénit naturellement les soldats qui défendent le territoire national, mais interdit la bénédiction des armes qui suppriment  la vie. Nous sommes devant le pompier incendiaire :  le Patriarche Kyrill de Moscou qui appelle  un autre pompier, le pape François,  pour feindre de voir éteindre le brasier qu’il a allumé en Ukraine.  A propos des prêtres Russes armés, l’épiscopat ukrainien  unanime  répond : « Ils ont la force des armes et nous avons la force de la prière »

Quelles sont  les tenants et les aboutissants de la situation à la fois d’une tentative d’invasion russe sur une partie du territoire nationale ukrainien et conjointement les revendications du Patriarcat de Moscou et du patriarche Kyrill  sur la totalité de l’Ukraine ? Les articles 25, 26 et 27 du document signé par le pape François et le patriarche Kyrill de Moscou plongent au cœur de ces questions.

Le Patriarche Kyrill n’a pas une vision différente du Président Poutine sur  l’Ukraine : Le patriarche russe  applique une politique qui a déjà fait ses preuves dans les patriarcats orthodoxes qui ont exercé, dans les siècles passés, une position impérialiste sur des territoires qui appartenaient alors à l’état souverain  dont ils étaient chacun  l’Église Locale.   Tels, les patriarcats de Moscou,  de Serbie, de Roumanie et de Constantinople : lorsque les nations de ces trois Églises ont perdu  d’immenses territoires qui sont devenus des états souverains, avec leurs Églises nationales indépendantes (en conformité aux règles canoniques et ecclésiologiques de l’Église Orthodoxe),  les autorités civiles des états-impérialistes qui avaient perdu ces territoires ont exigé que leurs patriarcats  ne renoncent jamais à affirmer que ces territoires perdus demeuraient  pour l’éternité leur territoire  canonique.  Ce qu’un état impérialiste  avait perdu d’un côté selon les lois civiles, était revendiqué de l’autre, selon les lois religieuses ( Canoniques) par  son Église nationale. Cette posture incompréhensible pour des esprits occidentaux déroute ceux qui examinent la question géopolitique à fond ecclésiologique qui se pose aujourd’hui en Ukraine. 

Dans cette logique la Russie et son patriarcat revendiquent l’Ukraine à la fois comme territoire national russe et canonique russe, et prétendent que l’Église Locale Ukrainienne,  le Patriarcat de Kiev, est schismatique puisqu’elle n’est pas russe. La Serbie prétend encore aujourd’hui que la Macédoine n’existe pas comme état souverain et que l’Église Autocéphale de Macédoine n’est une partie schismatique de l’Église Serbe puisqu’elle n’est pas serbe. La Roumanie ne reconnait pas davantage  la République Moldave de la Fédération de Russie et ne reconnaît donc  pas l’existence d’une Église Moldave séparée d’elle puisqu’elle n’est pas roumaine. Le Patriarcat de Constantinople dans les années passées avait tenu ce même raisonnement au commencement de l’effondrement de l’Empire Ottoman envers l’Église Bulgare qu’il avait voulu helléniser, et envers l’Église Serbe qu’il proclamait toutes deux schismatiques, jusqu’au moment ou il fut contraint par l’histoire de leur reconnaitre  l’autocéphalie.

En résumé la doctrine géopolitique sous jacente  à ces postures   est donc la suivante : pour un état à majorité orthodoxe,   ne jamais renoncer à revendiquer par le canal de son Église nationale  la portion du territoire de  la nation convoitée, quand ce n’est pas son territoire entier.  Pour le Patriarcat de Moscou l’Ukraine fait parti de l’Empire Russe, et l’Ukraine est donc son territoire canonique.  Il n’y a donc aucune place, ni pour l’Église  Greco-catholique au fort sentiment nationale Ukrainien, ni pour le Patriarcat de Kiev également au fort sentiment national ukrainien. Ces deux églises se proclament ukrainiennes ce qui est un péché  mortel pour les russes pour qui l’Ukraine n’existe pas. C’est ce que comporte en toile de fond l’article 27. « Nous exprimons l’espoir que le schisme au sein des fidèles orthodoxes d’Ukraine sera surmonté sur le fondement des normes canoniques existantes, que tous les chrétiens orthodoxes d’Ukraine vivront dans la paix et la concorde et que les communautés catholiques du pays y contribueront, de sorte que soit toujours plus visible notre fraternité chrétienne. »

Les normes canoniques existantes sont pour le patriarche Kyrill celles rappelées depuis toujours par l’ensemble des patriarches de Moscou :

La doctrine géopolitique de cette façon de faire est très simple à décrypter : Le territoire qu’a perdu  un ancien Empire ou un état, et que celui-ci  ne peut pas obtenir d’une manière irrédentiste, bien que la Russie se soit engagée dans cette voie de la conquête armée, il faut le gagner par les églises nationales. Utiliser l‘Église nationale autonome  Russe en Ukraine pour faire avancer les prochaines conquêtes territoriales de l’État russe. Préparer le terrain, comme cela a été fait magistralement en Crimée où le rôle  du patriarche Kyrill et les voyages qu’il y  a fait ont précédé de peu l’annexion de la Crimée. On a écrit que les services secrets russes avaient noyauté le clergé russe présent en Crimée. Ce n’est pas totalement exact, comme les photos jointes à cet article le démontrent :  Des centres d’entrainement aux différentes armes du clergé russe au milieu de militaires et de membres en civil  des servies spéciaux sont organisés car  il n’y a aucune séparation entre les services spéciaux russes et le clergé russe : ils forment tous ensembles une seule et  même famille. Tout est publique et ce sont eux même qui diffusent sans complexe ces photographies : tout ceci est normale pour eux.

Il n’y a pas en Ukraine d’ « agent secret » russe  dans le clergé russe : il y a parmi un certain nombre d’évêques, de  prêtres et de hiéromoines du Patriarcat de Moscou en Ukraine,  des agents russes à visage découvert qui ne cachent pas leurs sentiments anti-Ukrainiens et qui prêchent ouvertement  dans leurs églises le rattachement de l’Ukraine à l’Empire Russe.

Mais ajoutons  aussitôt que tous les ukrainiens russophones y compris des prêtres et des hiéromoines n’appartiennent  pas à cette catégorie. Un fait en particulier inquiète le patriarche Kyrill. En effet aujourd’hui un mouvement important, totalement nouveau vient d’apparaître : près  de cent paroisses de villages ont quitté les deux dernières années en Ukraine le Patriarcat de Moscou pour rejoindre avec leur prêtres le Patriarcat de Kiev. Et cela pour affirmer leur patriotisme ukrainien, bien que ces villages et ces paroisses soient russophones. Cela ne représente pour le moment  qu’un tout petit pourcentage par rapport au nombre de paroisses pro-russes en Ukraine. Mais ce phénomène n’existait tout simplement pas dans les années précédentes. C’est comme une fissure qui apparaitrait dans le barrage qui entoure le plat pays de la Hollande : s’il n’était pas endigué il annoncerait  une déferlante.

Il faut donner ci quelques statistiques (voir les tableaux sous formes de camembert) ,  publié dans notre revue. Auxquels nos ajoutons quelques chiffres.

Au 1er janvier 2010, le nombre de paroisses en Ukraine s'élevait à 10 984, celui des clercs à 10085 dont 9379 prêtres et 706 diacres, celui des monastères à 205 (107 d'hommes et 98 de femmes) ces chiffrent n’indiquent pas le nombres de croyants qui fréquentent  ces paroisses. Nous les renvoyons aux statistiques publiées dans les deux  tableaux.  Mais nous devons comparer ces chiffres avec le total des paroisses du Patriarcat de Moscou publié en 2008 qui comprend la Fédération de Russie et l’Ukraine : Le patriarcat comptait alors 29 268 paroisses. Il faut pour comprendre l’enjeu à la fois géopolitique et financier auquel est confronté par la perte de son Église en Ukraine le Patriarcat de Moscou, soustraire les nombres des paroisses présentes dans la Fédération de celles présentes en Ukraine : 18684. Cela signifie que les 10085 paroisses du patriarcat de Moscou qui sont en Ukraine constituent  plus d’un tiers du total  des paroisses du Patriarcat de Moscou et que les contributions financières de ces paroisses à la vie du patriarcat de Moscou sont donc  considérables. De la même manière, le Patriarcat de Moscou a fait adopter ce point de vue par le nouveau pape François : que les Greco-Catholiques sont en Ukraine sur le territoire canonique du Patriarcat de Moscou ce que le pape Jean-Paul II n’avait jamais accepté. Dans cette reconnaissance le pape François abandonne  ou feint  d’abandonner à son sort, en s’en lavant les mains, et en le marginalisant au sein de l’Église Catholique elle-même, le Patriarcat Greco-Catholique. Et en prime, pour le patriarche Kyrill, le pape se lave également les mains  sur la question de la légitimité des vingt millions de croyants Orthodoxes ukrainiens  qui prient dans le Patriarcat de Kiev. Il se lave les mains sur le sentiment national Ukrainien  et semble se laver les mains sur l’agression russe du  territoire nationale ukrainien. 

Tous ceci est une victoire diplomatique sans précédent de la part du Patriarche  Kyrill. Mais peu de commentateurs en ont relevé les véritables enjeux géopolitiques et ecclésiologiques

Cette doctrine du territoire canonique du Patriarcat de Moscou sur l’Ukraine a toujours existé depuis que la Russie a perdu une partie de l’Ukraine en 1918, lorsque celle-ci a été rattachée à la Pologne. Au nom de cette doctrine le Patriarcat de Moscou ne reconnut pas l’autocéphalie de l’Église Orthodoxe de Pologne (en réalité une première autocéphalie Ukrainienne située en Pologne)[1]  proclamée en  1924 par le Patriarcat de Constantinople. Cette doctrine avait été rappelée de très nombreuses fois par l’Église Russe  aux représentant du Vatican lors de chacune des rencontres officielles œcuméniques.

Nous ajoutons que le Patriarcat de Kiev entretient les meilleures relations avec le patriarcat Gréco-Catholique dans un œcuménisme  exemplaire que refuse en Ukraine le patriarcat de Moscou, ce qui embarrasse l’œcuménisme officiel en France et en Italie où cette préférence de l’Église Catholique est donnée au Patriarcat de Moscou.
Mais quels sont les gains de ces compromis pour le pape qui jusqu’alors s’était imposé comme le défenseur de toutes les causes justes du monde ?

Le pape peut enfin espérer un voyage triomphal à Moscou, qui soulignons le, a été refusé à tous les précédents papes de Rome, qui renforcerait  le « leader-ship » du patriarche de Moscou dans le monde orthodoxe. Cette nouvelle influence du patriarche Kyrill dans le monde Orthodoxe  qui bascule aujourd’hui  vers Moscou et Poutine provient directement   l’implication militaire russe en Syrie. Elle concerne tous les patriarcats Orientaux :  Damas-Antioche fidèle à Bachar el Assad, Alexandrie et Jérusalem.  Trois patriarcats menacés par Daech, qui jusque-là s’alignaient sur les positions du Patriarche de Constantinople, et désormais s’alignent sur celles du Président Poutine et son armée dans la région, et de ce fait sur celles du Patriarche  de Moscou. Donc avantage pour le Patriarche Kyrill dans cette invitation du Pape à visiter la Russie, qui ne tardera pas à être annoncée, mais qui représente sur le plan des symboles et surtout  celui de l’œcuménisme,  une victoire pour le Pape François : gagner là où ses prédécesseurs avaient tous échoué.

Le Pape François en acceptant cette rencontre met fin à des dizaines d’années de méfiance entre les deux Églises Russe et Romaine. En signant ce document il met sur le même plan le document semblable qu’avait signé le Patriarche de Constantinople Athénagoras Ier avec le pape Paul VI le 7 décembre 1965, qui mettait fin aux anathèmes.

Second bénéfice du Pape dans cette réunion de Cuba :  endormir Kyril sur la question de l’Église Greco-catholique Ukrainienne. Car en réalité que peut  faire  François ? Peut-il autoritairement supprimer le patriarcat ? Non il ne le peut pas. Peut-il changer de primat ? Le  droit canonique  des Église Orientales unies à Rome  est plus près de la tradition ecclésiologique orthodoxe, avec l’élection du primat par l’ensemble des évêques uniates  ukrainiens, certes ensuite ratifiée par le pape, que du  droit Romain où la signature du pape peut mettre fin à une carrière ecclésiastique.  Le pape n’a donc pas le pouvoir de changer le primat de cette Église. Seules des déclaration d’intentions, ayant la même valeur que des promesses électorales, pourront être données à Moscou, mais dans la réalité des faits rien ne changera.

La nouvelle position du Pape sur la question ukrainienne  lui est reprochée ouvertement le Patriarche Greco Catholique de Kiev Sa Béatitude Sviatoslav Shevchuk.

Ce qui changera,  ce sont les équilibres des rapports de forces au sein de l’Église Orthodoxe. 

Nul  doute que, comme nous le pensons, si cette invitation du Pape à Moscou se produit dans un délai assez court, elle  fera exploser les équilibres précaires qui s’étaient établis entre l’ensemble des Églises  Orthodoxes. Ceci aura pour conséquence d’affaiblir la position du Patriarche de Constantinople, qui lui ne sera pas  invité en premier en Russie,  au profit incontestable de l’évêque de la troisième Rome, fort de la puissance de l’État Russe qui dicte aujourd’hui sa loi au Moyen-Orient. 

Mais quel est l’intérêt du pape dans ce changement ? Le pape, comme tous ces prédécesseurs veut avoir  en face de lui un seul, un unique interlocuteur qui rassemble la majorité des Églises Orthodoxes, car ce qui a toujours désorienté le Vatican  dans ses relations avec l’Orthodoxie, c’est le manque d’unité des Églises Orthodoxes Locales: le Pape se mettait  d’accord avec un patriarche sur une voie conduisant à l’unité, et « patatras» un autre patriarche  décidait  qu’il n’était  pas d’accord. Et cela dure depuis des années. Des centaines d’années ! Avoir pour le Pape un seul interlocuteur Orthodoxe  fort, puissant qui entrainerait les autres, est une priorité  absolue qui vaut bien des lavements de mains. C’est pour le pape le prix  à payer pour l’unité.
Le Pape de Rome en bon stratège, en renforçant la position du Patriarche de Moscou avant le Concile Pan-Orthodoxe lui donne une sorte d’onction auprès des Églises Orthodoxes d’Orient dont nous avons parlé, de nouveau Premier  parmi les égaux qui orientera les décisions du concile vers les positions soutenues par le patriarcat de Moscou. 

Face à cette situation le Patriarche Bartholoméos ne pourra pas rester inactif. Il est sans doute possible  que pour affirmer son autorité, il prenne des risques que jusque-là il avait  tardé à prendre afin de ne pas compromettre l’unité pan-orthodoxe  qu’il veut maintenir à tout prix avant la réunion du Concile prévue en Juin de cette année.  Des risques de schisme avec le Patriarcat de Moscou,  comme ceux qu’entraineront  la reconnaissance de l’autocéphalie Ukrainienne et d’autres Églises Locales comme celles de Macédoine et du Monténégro. Mais après la réunion de ce Concile, si sa date est maintenue, le patriarche Bartholoméos aurait les mains libres pour agir, car il sait qu’il ne peut plus continuer de rester le spectateur inactif d’un scénario  dont il n’a pas écrit un seul mot.

Le Patriarche  Bartholoméos a l’ambition de laisser sa marque dans l‘histoire et voit avec effroi que c’est Kyrill qui en ce moment écrit l’histoire en trempant sa plume dans le même encrier que celui du pape François.

Le Pape François  en se rendant à Cuba à la rencontre du Patriarche de Moscou a tiré les conclusions du dernier rendez-vous de Chambésy en observant que c’est le Patriarche Kyrill qui a dicté sa loi à ce rassemblement. Il tend donc ses mains au plus fort.  Et pour serrer cette main, il n’a pas hésité une seule seconde à se les laver plusieurs fois. Avant et après.

Le mercredi 24 février 2016
+Métropolite Michel Laroche

[1] « Une première autocéphalie Ukrainienne-1918-1944. » par le Métropolite Michel Laroche. Ed. du Patriarcat de Kiev. Kiev 2015 (en ukrainien) en français sur : http://eparchie-orthodoxe-de-paris-france-ukraine.blog4ever.com/articles/une-premiere autocephalie-ukrainienne-1

ARTICLE CONNEXE AVEC SES SCHÉMAS TIRÉS DU SITE DE LA CEFAN 

Source de l'article et des schémas : http://www.axl.cefan.ulaval.ca/europe/ukraine-1demo.htm

Les nationalités en Ukraine :

Les Ukrainiens «de souche» étaient 37,5 millions lors du recensement de 2001, ce qui correspond à 77,8 % de la population. Les russophones forment le second groupe avec 8,3 millions, soit 17,3 % des habitants de l'Ukraine. En 1989, les Ukrainiens ne représentaient que 72,7 % et les Russes 22,1%. Cet écart entre les deux groupes est principalement dû à la chute de l'ex-URSS qui a entraîné le retour de milliers de Russes dans leur patrie d'origine.

Bien qu'il y ait des ukrainophones partout dans le pays, les russophones demeurent concentrés dans l'Est et le Sud. L'Ukraine occidentale est ukrainophone dans une proportion de plus de 90%. À l'est, les oblasts de Khartiv, de Loushansk, de Donetsk, de Zaporijjia et la Crimée comptent une majorité de russophones et d'Ukrainiens russifiés. Par exemple, en Crimée, 67 % de la population se considérait comme russes en 1989, contre 25,6 % comme ukrainiens. De façon générale, les Russes dominent dans les centres urbains et les zones industrialisées. En simplifiant, on peut dire que l'Ukraine est partagée entre un Ouest ukrainophone et un Est russophone.




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Dans un climat de patriotisme exacerbés en Russie
des ecclésiastiques russes n'hésitent pas à s'afficher publiquement avec des armes









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Compte tenu des propos   tenus par certains hiérarques orthodoxes présents à Chambésy, concernant le patriarcat de Kiev et le patriarcat de Moscou, 

Son Éminence le Métropolite Michel  ( Laroche) de Paris et de toute la France, écrivain, théologiens, ecclésiologue  et historien,  a rédigé cet éditorial afin d’éclairer les membres de notre éparchie et les nombreux orthodoxes qui ont pu  être troublés. 

Comment Daech 
empoisonne les relations inter-orthodoxes 

A propos de la Synaxe des primats de certaines  
Eglises locales rassemblées à Chambésy le 23 janvier 2016.

C’est peu dire que le poids de la géopolitique a toujours eu une influence déterminante dans les choix cruciaux en ecclésiologie de l’Eglise Orthodoxe.  Nous en donnerons quelques exemples du passé dans cet article.

Disons-le d’emblée : deux enjeux géopolitiques stratégiques à l’échelle européenne et asiatique (Asie-Mineure)  avec au centre Daech,  ont recouvert de leurs ombres inquiétantes les relations inter-orthodoxes et changé de fond en comble tous les équilibres ou déséquilibres précaires du passé.

Deux sujets se sont invités  en filigranes, car officiellement ils n’ont pas été abordée dans la Synaxe :    La guerre d’invasion entre la Russie et l’Ukraine et l’invasion par Daech sur une grande partie du territoire canonique (Syrie, Liban, Irak) du patriarcat d’Antioche, dont on le sait, le siège est à Damas et qui  menace le territoire canonique du patriarcat d’Alexandrie l’Egypte et toute l’Afrique.

Jusque-là il n’y avait pas de  véritable consensus entre le patriarcat de Constantinople dirigé par Sa Sainteté Bartholoméos Ier et le patriarcat de Moscou dirigé par le patriarche Kyrill. Dans les années précédentes (et cela remonte jusqu’au XIX ème siècle), une véritable guerre froide existait entre les deux principaux patriarcats du monde Orthodoxe.

Les anciennes Eglises d’Orient, c’est-à-dire les patriarcats historiques fondés par des apôtres, Antioche, Alexandrie et Jérusalem formaient jusque-là  autour du patriarcat de Constantinople un front uni qui n’avait pas peur de s’opposer au puissant patriarcat de Moscou qui du temps de la guerre froide pouvait compter sur les patriarcats de Bulgarie, et de Serbie, ces deux derniers patriarcats slaves  étant des opposant historiques au patriarcat de Constantinople. Le patriarcat de Roumanie assumant  souvent le rôle d’arbitre de la situation ne se rangeant pas automatiquement dans le camp russe.

Avec l’entrée en Asie mineur des armées Russes  pour y combattre Daech, les choix sont devenus extrêmement restreints  pour les trois patriarcats orientaux qui jusque-là s’alignaient sur les positions du patriarcat de Constantinople. N’oublions pas que l’ensemble des chrétiens orthodoxes du Liban et de Syrie soutient le Président Barchar el-Assad, qui a toujours protégé du fanatisme intégriste islamiste ce peuple arabe et syriaque, comme le faisait en Irak le président Saddam Hussein qui est pleuré aujourd’hui  par tous les chrétiens d’Irak.

Le patriarche  Kyrill de Moscou a posé comme condition pour se rendre à Chambésy : une condamnation claire  par l’ensemble des membres de la Synaxe de ses ennemis de toujours : le patriarcat de Kiev et son Primat le patriarche Filaret. Il y a ajouté : le soutien au chef de l’Eglise Russe en Ukraine le Métropolite Onuphre. Nous reviendrons plus loin sur la question des deux Eglises Orthodoxes  en Ukraine.

L’arrivée des troupes russes et de l’aviation russe avec ses bombardements sur les opposants au président Barchar el-Assad, a été saluée dans la liesse par l’ensemble de chrétiens orientaux parmi lesquels tous les orthodoxes arabes et syriaques. Le nouveau patriarche d’Antioche-Damas Jean X,  qui est un proche du Président Barchar el-Assad,  avait  déjà pris il y a quelques semaines  position en faveur du protégé du patriarche Kyrill de Moscou et de toute la Russie, Sa Béatitude le Métropolie Onuphre de Kiev en le reconnaissant comme le seul primat de l’Eglise Ukrainienne.

Les deux patriarcats de Constantinople et de Moscou  se définissant eux-mêmes comme la seconde et la troisième Rome, fort du soutien de leurs troupes respectives s’étaient affrontés régulièrement sur des question territoriales comme sur celle, majeure, de la primauté dans l’Eglise Orthodoxe comme nous l’avions rapporté dans nos articles précédents parus dans le magasine « Diplomatie »[1].

Ils s’étaient affrontés au début du XXème siècle, toujours  à propos de la question ukrainienne lorsque, le 13 novembre 1924, le patriarcat de Constantinople avait accordé l’autocéphalie à la partie ukrainienne qui venait d’être détachée de l’Empire Russe soviétique, pour rentrer dans la République Polonaise.[2] Dans le Tomos de 1924 accordé à la demande conjointe du nouvel état polonais et de son Eglise Orthodoxe locale majoritairement ukrainienne[3], le Tomos précisait «  En considérant aussi le fait, ce qui n’est pas contredit par l'histoire - car il est écrit que la première séparation de notre Siège de la Métropole de Kiev et de la Métropole Orthodoxe de Lituanie et de Pologne, en a dépendu, ainsi que leur intégration au sein de l'Église Moscovite ont été accomplies  contrairement au droit canon, comme aussi tout ce qui a été convenu en ce qui concerne la pleine autonomie de l'Église de la Métropole de Kiev, qui, à l'époque, avait le titre Exarque du Siège œcuménique- ».[4]
                                                                                                        
A cette époque le patriarcat de Constantinople n’avait pas eu peur d’affronter le patriarcat de Moscou et de reconnaitre l’existence d’une Eglise métropolitaine autonome kiévienne totalement  indépendante de Moscou et anti-canoniquement rattachée une première fois en 1685 : c’est cette même seconde Eglise russe en Ukraine, déclarée anti-canonique dans le Tomos de 1924,  que le nouveau patriarche Bartholoméos  oubliant ce Tomos de 1924, vient de laisser  proclamer à Chambésy  comme légitime.

L’histoire qui précédait cette première autocéphalie ukrainienne et qui est toujours d’actualité est la suivante : 

Pour être simple, l’Ukraine a deux histoires : la première se situe à l’Ouest du Dniepr et concerne la partie du territoire ukrainien qui est resté  rattachée, après le départ de la Horde d’Or, à Kiev et à son Métropolite qui avait le rang d’Exarque du patriarcat de Constantinople. Ce territoire de la nation ukrainienne n’a jamais vécu jusqu’au traité de Vienne (1815)  avec la Russie ni avec l’Eglise Russe. Sa conscience nationale s’est développée au milieu d’un peuple polonais catholique avec lequel les relations étaient parfois compliquées,  dans et par l’Eglise Métropolitaine Autonome de Kiev dont le primat avait le privilège de fabriquer son saint Myron, qui le situait en quasi égalité avec les Eglises autocéphales, dans le cadre du Grand Duché de Lituanie, puis du Royaume de Pologne. Le patriarche de Jérusalem Theophane III (1608-1643) consacrait secrètement en 1620 un nouveau métropolite de Kiev et quatre évêques ruthènes  sans en référer à Moscou ni à Varsovie, sans doute avec l’accord du patriarcat de Constantinople, car à cette époque le patriarche de Jérusalem siégeait dans le synode permanent  de la Grande Eglise. La Métropole de Kiev indépendante de Moscou a  eu  son âge d’Or  sous la conduite du  grand métropolite saint Petro Moghyla (1632-1646).  Des guerres auxquelles prenaient part les fameux cosaques faisaient le plus souvent s’affronter Ukrainiens et Russes. Il est indéniable que les Ukrainiens de l’Ouest se distinguaient dans leur conscience nationale du peuple russe soumis au Tsar. A l’Est du Dniepr le territoire était tantôt rattaché canoniquement au métropolite de Kiev  lorsque c’est la Pologne qui l’emportait, tantôt au Tsar et alors l’Eglise de cette partie de l’Ukraine relevait du patriarcat de Moscou (supprimé en 1721 par le tsar Pierre le Grand). C’est à cet ancien conflit que se rattache celui d’aujourd’hui : Lorsque l’Empire soviétique russe, puis la Fédération  Russe actuelle ont  perdu l’Ukraine, ils n’ont  jamais ni eux, ni le patriarcat de Moscou, renoncé à leur  possession de l’Ukraine. Pour l’Etat Russe comme pour le patriarcat de Moscou,    l’Ukraine n’existe  pas, ni comme nation ni comme Eglise : elle est comparable à la Normandie ou à la Bretagne pour les Français.

A Chambésy, il était prioritaire pour le patriarcat de Constantinople, quitte à sacrifier ses convictions ecclésiologiques les plus profondes, de  former  un front commun contre la menace de Daech. Si, comme cela était prévisible avant l’intervention musclée russe,  la ville de Damas, aujourd’hui encore, partiellement aux mains des rebelles, était  prise par Daech, c’est plus qu’un symbole qui aurait disparu sans compter les massacres que l’on devine sur la population chrétienne fidèle au Président Barchar el-Assad. C’est la disparition du siège apostolique historique du patriarcat d’Antioche fondé par l’Apôtre Pierre, avant celui de Rome. C’est la disparition du principal patriarcat arabe qui a toujours été un pont plus qu’utile entre l’islam et le monde chrétien. 

Le patriarche Bartholoméos a une seule et unique ambition : celle de pouvoir avant sa mort rassembler le Grand Concile œcuménique que l’Eglise Orthodoxe a été incapable de réunir depuis le septième  Concile de Nicée II en (787) auquel certains historiens ajoutent comme huitième  le Concile de Constantinople V, (879-880) la réconciliation avec Rome présidé par le patriarche saint Photios le Grand (858-867 et 877-886).

Le patriarche Bartholoméos ne peut pas et ne veut pas avant la réunion de ce concile dévoiler ses véritables pensées. Il doit composer avec tous les primats qui sont en communion en laissant de côté plusieurs nations orthodoxes dont l’Ukraine, la Macédoine, la Moldavie,  ayant chacune une Eglise nationale majoritaire toujours en schisme avec l’ensemble des autres Eglises Orthodoxes, sans compter les  Eglises autonomes fondées par Moscou et non reconnues par Constantinople comme celle du Japon et de l’Amérique.

Rappelons maintenant les enjeux  géopolitiques et ecclésiologiques de l’Ukraine. Dans la doctrine Orthodoxe il n’existe pas un centre où comme pour l’Eglise Catholique Romaine, tout se décide. Chaque Eglise Orthodoxe est locale, c’est à dire nationale, selon le commandement du Christ : « De toutes les nations faites des disciples les baptisant au Nom du Père du Fils et du saint Esprit » (Mt XXVIII, 16-20) Pour des raisons historiques que nous ne pouvons pas approfondir dans cet article, la nation Ukrainienne s’est organisée ecclésiologiquement autour du plus ancien  siège fondateur de toutes les autres cités et sièges épiscopaux des terre Russ’ : Kiev[5]. Moscou est selon la doctrine Orthodoxe une Eglise fondée par Kiev et de ce fait, Kiev aux yeux du patriarcat de Kiev et d’une majorité d’Ukrainiens ( 40 %)  ne peut être l’Eglise fille de sa fille : Moscou. [6] Kiev revendique le Patriarcat de Constantinople comme Eglise Mère et ne veut, au nom de ce principe ecclésiologique fondateur de l’ensemble des nouvelles Eglises autocéphales, et de son histoire, en aucune manière dépendre de l’Eglise Russe dont le patriarche  et les hiérarques bénissent les troupes  russes qui menacent l’intégrité de son territoire nationale. Ces troupes, on le comprend, sont acclamées en Syrie, au Liban et en Irak, mais elles ne le seront jamais en Ukraine.

Chaque patriarcat Orthodoxe sert les intérêts de sa nation et c’est son devoir de le faire. Le patriarcat de Kiev avec Sa Sainteté  le  Patriarche Filaret défend l’intégrité de la conscience nationale ukrainienne et de son territoire et émet  une très grande réserve (doute) sur la position des hiérarques du patriarcat de Moscou en Ukraine. Le patriarcat de Kiev proclame dans sa doctrine ecclésiologique simplement tout  ce qui est admis par l’ensemble des Eglises Orthodoxes nationales : une seule Eglise locale par nation  et pas une Eglise pseudo locale inféodée  par une Eglise impérialiste qui dominerait  et menacerait  l’intégrité nationale de sa soit disant Eglise fille, comme sont les prétentions actuelle du patriarcat  de Moscou.

Redisons-le : ni la Russie ni le patriarcat de Moscou ne reconnaissent l’Ukraine comme une nation indépendante : pour le patriarcat de Moscou comme pour l’état  russe,  l’Ukraine est une province russe détachée arbitrairement de son empire ! De ce fait, pour eux,  une Eglise Orthodoxe ukrainienne autocéphale est inimaginable.

Ajoutons  que dans l’histoire des conciles œcuméniques ont a toujours procédé  à   180 degrés  de la position annoncée  à Chambésy par le patriarche Barthomoméos.

Les conciles œcuméniques qui étaient, rappelons-le, rassemblés non par l’autorité religieuse, mais par celle civile de l’Empereur bien que revêtue d’un caractère sacré, n’ont jamais esquivé les problèmes ni les personnes qui les posaient : Les partisans  de chaque camps étaient invités et tous ensemble, après d’âpres discussions, trouvaient la concorde ou l’excommunication : mais jamais, jamais sans avoir été invité à s’expliquer et avoir été entendu. Le Septième Concile Œcuménique illustre cette méthode, car la majorité des évêques qui étaient  d’anciens iconoclastes ont pu y participer FAIRE ENTENDRE LEUR VOIX et y trouver éventuellement le chemin du repentir.

Rappelons par  exemple qu’au Sixième Concile Œcuménique de Chalcédoine (451)  saint Juvénal de Jérusalem  qui avait pourtant co-présidé avec l’hérétique Dioscoros,  le concile nommé par l’histoire  « Brigandage d’Ephèse » (449), au début du concile de 451 faisait partie du camp des monophysite, se rangea en faisant entendre sa voix, aux conclusions de concile et changea de place pour s’asseoir avec dans le camp  des évêques soutenant  deux natures en Christ. Ecarter d’un concile à prétention œcuménique ceux qui sont soupçonnés d’être hérétiques ou schismatiques est contraire à la Tradition.
C’est cette voix que veulent  faire entendre  les plus de quarante évêques de l’épiscopat du patriarcat d’Ukraine autour de la voix de son patriarche : « Voix qui crie dans le désert » ( Jn I, 23 et Isaïe XC, 3)

Pour ceux que choqueraient cette quasi-excommunication de vingt millions de croyants ukrainiens par les déclarations de la Synaxe : une Synaxe n’est pas un Concile et n’a pas le charisme de prononcer une excommunication ni d’ailleurs,  rien absolument rien qui s’ajourerait  aux  saints canons de l’Eglise.

D’autre part des conciles canoniques  ont excommunié des saints et d’autres Eglises Orthodoxes  locales dont nous allons  donner dans le paragraphe suivant, la longue liste. Dans la réalité tous ceux qui ont procédé à ces excommunications à répétition  tout au long de l’histoire ont toujours été désavoués par l’Eglise au sens charismatique (et non pas au sens  politique) du mot.

Nous les orthodoxes nous avons une Histoire ; mais il est vrai que peu la connaissent.
Nous écrivions en mai  2015  dans un article publié depuis dans un ouvrage en ukrainien[7] : « D’ailleurs rappelons que toutes les récentes autocéphalies modernes du début du XXème siècle Bulgarie, Serbie, Roumanie, Eglise de l’Hellade, ont subi de longs  schisme de la part d’une Eglise impérialiste : Constantinople, comme aujourd’hui Moscou ! Mais ces Eglises avec l’hypocrisie des pieux pharisiens,  oubliant leur passé, s’alignent encore aujourd’hui sur les positions de Moscou envers notre vénérable et millénaire Eglise Locale de l’Ukraine. Rappelons la durée de ces schismes qui parsemèrent de nombreux siècles et qui   ont tous eu le même motif : l’application de l’ecclésiologie d’une Eglise Locale Orthodoxe par nation, comme pour l’Ukraine aujourd’hui et comme pour la Macédoine qui est dans la même situation vis-à-vis du patriarcat de Serbie que notre Eglise vis à vis du patriarcat de Moscou :

La proclamation de l’autocéphalie de l’Église Bulgare en 1185 sera suivie d’un schisme avec Constantinople qui durera jusqu’en 1234, date à laquelle l’Église Bulgare obtiendra une première fois la reconnaissance de son autocéphalie par Constantinople. Durée du premier schisme bulgare : 50 ans.

La proclamation de l’autocéphalie plénière de l’Église Serbe en 1446 par le Tzar Étienne Douchan et qui ne sera reconnue qu’en 1475. Durée de ce premier schisme serbe : 29 ans.

Le patriarcat de Constantinople, nous l’avons vu, excommunia l’Église Serbe durant toute cette période. Pourtant les ordinations faites et les sacrements distribués dans ces deux Églises au cours de ces périodes de schisme, sont aujourd’hui considérés comme pleinement donnés dans l’Église Orthodoxe. La seconde restauration du patriarcat de Pec 1528-1534 avec excommunication et déposition durera six ans. La troisième restauration se fera sans excommunication de 1557 jusqu’à la nouvelle suppression en 1766.

La proclamation de l’autocéphalie de l’Église de l’Hellade en 1833 par le Roi Othon et qui ne sera reconnue qu’en 1850. Durée du schisme : 17 ans.

La re-proclamation de l’autocéphalie de l’Église de Bulgarie en 1872 et qui ne sera reconnue qu’en 1938. Durée de ce dernier schisme Bulgare : 66 ans, soit un total de 116 ans pour l’ensemble des années ou l’Église Bulgare restera en schisme avec Constantinople. Constantinople excommunia l’Église de Bulgarie durant toutes ces périodes. Pourtant les ordinations faites, et les sacrements distribués dans cette Église lors de ces périodes sont aujourd’hui considérés comme pleinement valides dans l’Église Orthodoxe.

Alors comment dire que ces Eglises locales qui ont eu des saints durant toutes ces périodes de schisme, avant comme après,   auraient à un moment donné de leur histoire perdu la grâce, et quitté l’Unité charismatique de l’Eglise Orthodoxe ?  Elles ont certes perdu à un moment donné de leur histoire,  l’unité juridique avec les Eglises sœurs, mais elles n’ont jamais   perdu l’union   charismatique. Car l’unité charismatique de l’Eglise échappe à toute forme juridique, elle est donnée dans l’Esprit Saint  à l’ensemble du Corps du Christ : l’Eglise. L’Esprit Saint  comme le Sang du Corps, alimente tous ses membres par la Tête qui en est aussi le Cœur : le Christ ! Et la main ne peut pas dire à l’autre main : «   Tu n’appartiens pas à ce Corps » ;  ni le pied ne peut dire à un bras : «  Tu n’appartiens pas à ce Corps ».  Ces  schismes  qui ont été injustement imposés à une grande majorité des Églises autocéphales qui aujourd’hui sont revêtues  de la splendide cuirasse dorée de la canonicité,  ont oublié qu’elles ont traversé ce chemin, et qu’elles y ont trouvé une forme de martyr qui a élevée, à l’époque de cette traversée du désert, leur conscience ecclésiologique  de l’affirmation de l’Eglise locale comme rempart à l’hérésie de toute forme de domination d’une Eglise Locale Autocéphale  par une autre. Ces schismes ne sont pas le fait d’une décision divine, mais le résultat de politiques impérialistes,  de pouvoirs  humains, de  décisions prises sans l’Esprit Saint, qui devrait pourtant  inspirer le gouvernement de l’Eglise. Ces faits sont importants à rappeler lorsque sera venu le moment du dialogue avec les autres Eglises sœurs Orthodoxes. »

Les autocéphalies des Eglises orthodoxes locales qui sont nées après le VII ème siècle jusqu’à nos jours comme nous l’observons dans ce long paragraphes cité ci-dessus, se sont toutes absolument toutes réalisées avec des schismes qui leur ont été injustement imposés par des Eglises Orthodoxes  impérialistes. C’est là que se trouve le véritable sujet du prochain concile œcuménique : donner le droit à chaque Eglise nationale d’auto-proclamer son autocéphalie, comme cela a toujours été le cas dans les exemples cités plus haut, dès lors que cette Eglise nationale  représente comme en Ukraine la majorité des croyants orthodoxes de sa nation et qu’elle a le concours actif d’un état souverain.

Enfin avec tous les exemples que nous avons donné plus haut des schismes précédant toutes les autocéphalies reconnues tardivement, certes, mais reconnues : le mouvement de l’histoire qui a précédé ces autocéphalies à toujours été le plus fort. Le patriarcat de Kiev sera  forcément reconnu un jour : Ecoutons « ce que l’Esprit dit à l’Eglise. » (Apoc II 11)

Le  25 janvier 2016

+Métropolite Michel de Paris (Laroche)  et de toute la France, membre de l’épiscopat du patriarcat de Kiev

[1] Patriarcat de Moscou - Patriarcat de Constantinople. Les antagonismes des enjeux géopolitiques dans l’Union Européenne. N° 14, Mai - Juin 2005.
Le pape Benoit XVI : la nouvelle distribution des cartes de l’œcuménisme catholique Orthodoxe. N° 16, Septembre - Octobre 2005.
Nice-Moscou, un axe qui fâche. N° 20, Mai – juin 2006.
Eglise Orthodoxe d’Istanbul. Les secrets de sa stratégie européenne. Enjeux Méditerranée. N° 4, Février – Avril 2007.
Le Président Poutine et l’implication du facteur géopolitique de l’Orthodoxie dans la question du Kosovo. N° 32, Mai – Juin -2008.
Le patriarcat de la discorde. Vatican - Patriarcat de Moscou : avis de tsunami. Les Grands Dossiers N° 4, “Géopolitique du Vatican”, Août - Septembre 2011.
Orthodoxie et identité nationale en Europe de l'Est. Les Grands Dossiers N° 16, “Géopolitique des religions", Août - Septembre 2013.

[2] « Une première autocéphalie Ukrainienne » par le Métropolite Michel Laroche. P. 11 à 152. Ed. du Patriarcat de Kiev. Kiev  2015. En ukrainien. En français sur http://eparchie-orthodoxe-de-paris-france-ukraine.blog4ever.com.

[3] Cinq millions d’orthodoxes dont plus de quatre millions d’Ukrainien et les autre biélorusses.

[4] « Une première autocéphalie Ukrainienne » par le Métropolite Michel Laroche. P. 11 à 152. Ed. du Patriarcat de Kiev. Kiev  2015. En Ukrainien. En français sur http://eparchie-orthodoxe-de-paris-france-ukraine.blog4ever.com.

[5] Lire notre article : Kiev la Mère de toutes les Eglise Russ’ : Un principe ecclésiologique ancien. En ukrainien. En français sur http://eparchie-orthodoxe-de-paris-france-ukraine.blog4ever.com.
[6] Les statistiques publiées régulièrement dans la presse ukrainienne et consultable sur l’internet donne ces chiffres pour l’appartenance en Ukraine à l’Eglise Locale du patriarcat de Kiev : 40 %ou à l’Eglise fidèle au patriarcat de Moscou : 20%.


[7] « Une première autocéphalie Ukrainienne » par le Métropolite Michel Laroche. P. 167. Ed. du Patriarcat de Kiev. Kiev  2015. En français sur http://eparchie-orthodoxe-de-paris-france-ukraine.blog4ever.com.




Afin de pouvoir tenir au courant nos lecteurs et lectrices de l'actualité des positions du Patriarcat de Kiev,  (qui n'est hélas que trop peu relayée pour l'instant en France par les sites orthodoxes et religieux),  nous les renverrons, à la fin de ce billet, vers plusieurs sites Officiels  auprès desquels ils pourront vérifier chacun de nos propos, se renseigner régulièrement et élargir leurs sources d'informations. 

Nous invitons nos lecteurs, lorsqu'ils les consulteront, à bien vouloir utiliser la traduction automatique par le biais du clic droit de leur souris, via la fonction "traduire en français".

Les polémiques et le mépris inter-orthodoxes sont un contre-témoignage pour ce monde sans Dieu et en plein désarroi:

Commençons par dire que notre Éparchie a une aversion viscérale pour les conflits inter-orthodoxes qui, nous semble-t-il, souillent  le visage de l'Eglise du Christ  déshonorent la charité, troublent les consciences, et atteignent souvent la dignité et la crédibilité des personnes attaquées. 

Pour ces raisons, notre modeste Éparchie à son très humble  niveau, a toujours préféré porter dans la prière quotidienne des Offices, et la souffrance silencieuse, le martyre ecclésiologique que traverse actuellement notre Eglise: martyre du déni des faits historiques et canoniques, déni de reconnaissance religieuse et fraternelle, martyre de la mise à l'écart spirituelle et humaine, martyre des accusations mensongères et dégradantes portées contre Elle, contre ses millions de fidèles et ses nombreuses institutions en Ukraine ou à l'étranger. Nous sommes chrétiens et notre Maître nous a prévenu qu'être Ses disciples impliquait de Le suivre dans les mauvais traitements, les mauvais jugements, dans les dérisions, le mépris et la crucifixion avant de vivre en Lui la résurrection.

Au début de ce billet, et en préambule, affirmons que les bases et les faits canoniques et historiques en faveur de l'autocéphalie de notre Eglise sont des plus solides. Ils relèvent, lorsqu'on en a pris connaissance,  de la Vérité, de la logique et du bon sens.

L'oubli ou l'ignorance de l'histoire de l'Eglise et des bases ecclésiologiques sont une source de préjugés graves :

Fort malheureusement, nous nous sommes aperçus qu'une part infinitésimale de clercs et de chrétiens orthodoxes avaient connaissance de ces éléments, se contentant souvent d'affirmer ce qui se dit dans certains milieux mondains et dans nombre d'articles de désinformation aussi brutaux que dégradants. Que ces personnes tiennent ces éléments pour des vérités de Foi sans en vérifier la véracité: il n'y a rien de plus facile, mais il n'y a rien  de plus nocif pour la conscience que l'idéologie. Heureusement, il existe également un certain nombre d'Orthodoxe (clercs comme laïcs) qui sont parfaitement conscient des vrais enjeux se cachant derrière les positions officielles du patriarcat de Moscou...

En outre, appartenant eux-même à des Eglise orthodoxes nationales, beaucoup de clercs et de fidèles ignorent/oublient que leurs propres Eglises autocéphales (de manière exactement similaire à la nôtre aujourd'hui!) ont alors été, dans leur histoire, rejetées et vilipendées par toutes les autres "officielle", et mises au ban de la communions des Eglises-Soeurs....Ceci, avant que leur cause, bien des années après (parfois près de 100 ans), soit reconnue comme tout à fait juste et légitime dans l'affirmation de leur autocéphalie.

Prendre connaissance des faits pour mieux comprendre: c'est possible!

Nous invitons nos lecteurs et tous ceux qui veulent vraiment comprendre  ce qui se passe en Ukraine sur le plan ecclésial, à se documenter; à refuser de se prononcer avant de s'être solidement instruit. La mode du monde actuel, en soif de sensations et de vérités toutes faites se range trop souvent au jugement péremptoire et au préjugé. L'avis mal éclairé et conditionné dans ces conditions devient alors une certitude tranchée voire arrogante, qui fait injure à tout sens élémentaire de la justice et de la Charité. La religion de l'opinion est une véritable dictature et un ennemi de la vérité.

Pour avoir une approche solide de ce qui se joue en Ukraine sur le plan ecclésial, nous renvoyons aux textes et articles  de notre Métropolite  écrits en langue française.  

Le très grand intérêt de ces textes est qu'ils sont accessibles à un public qui n'est pas forcément initié aux subtilités de l'ecclésiologie orthodoxe.  Ces documents posent clairement et simplement des faits incontestables; ils sont illustrés par de très nombreux exemples et cas de jurisprudences  canoniques.  Il existe également des communiqués, des articles divers en langue ukrainienne, russe et anglaise qui parle de l'actualité de notre Eglise. Il nous revient sans doute de les faire connaître davantage au grand public.

A propos des faits évoqués pendant la Synaxe par le Patriarche Kirill de Moscou:

Depuis quelques temps, et de manière plus intense au fur et à mesure que la Synaxe préparatoire au futur Concile approchaient, un certain nombre d'articles (en russe, en français...) paraissaient (et continuent à paraître) à intervalle régulier, pour nier  la légitimité de l'autocéphalie de notre Eglise. L'afflux de contre vérités, de mise en exergue d'informations tronquées, font que nous en sommes arrivés à la conclusion personnelle qu'un véritable travail de sape en communication était à l'oeuvre pour flétrir et discréditer l'existence même de l'Eglise Orthodoxe Ukrainienne du Patriarcat de Kiev. 

Par le bais de ces articles donc, nous avons douloureusement pris connaissance il y a quelques jours,  des accusations publiques prononcées par le Patriarche de Moscou. Il les a gravement portées en pleine Synaxe à Chambésy contre notre Eglise. Ces accusations concernaient des actes de violence attribués faussement aux chrétiens orthodoxes d'Ukraine du patriarcat de Kiev contre les paroisses du patriarcat de Moscou. 

Notre Eglise dément formellement et catégoriquement cette version erronée des faits.

Il faut préciser que les représentants de notre Eglise n'étant pas présent à cette synaxe préparatoire au futur concile, aucune défense n'était possible...Peut-on accuser quelqu'un sans lui donner la possibilité de se défendre et d'exposer à son tour les faits? C'est en tous les cas un usage absolument contraire à la Tradition Orthodoxe, aux Usages ecclésiaux et à leur esprit.

Aussi, notre Eglise, par la voix de ses représentants légitimes à Kiev, a prié Sa Sainteté Bartolomé, Patriarche de Constantinople qui présidait la Synaxe, d'organiser une commission d'enquête officielle en Ukraine; celle-ci  ayant pour mission de vérifier concrètement sur le terrain, la réalité et la véracité de ces accusations. 

Les sources de la polémique et quelques rappels de faits:

Ces accusations portée par le patriarche Kirill de Moscou à la Synaxe de Chambesy sont la suite ou l'un des aboutissement de campagnes de désinformation présentant régulièrement au public ecclésiastique et laïc un certain nombre d'éléments et de faits tronqués/orientés. Ces éléments sont jetés en pâture dans le triste but évident de conditionner l'indignation et de jeter le discrédit sur la cause légitime du Patriarcat de Kiev. 

Elles rapportent que des paroisses dépendant du Patriarcat de Moscou en terre ukrainienne seraient l'objet d'attaques particulièrement violentes, menées par des ukrainiens (dépeints pour l'occasion comme des "nazis", "fascistes" à la solde du Patriarche Philarète" etc, etc...) . Ces groupes de sauvages placeraient de force et par voie de violence et de terreur, les paroisses sous l'omophore du Patriarcat de Kiev. 

Face à ces tableaux peints pour la circonstance, commençons pas rappeler ici un fait d'importance que ces campagnes hostiles à l'existence même de notre Eglise taisent soigneusement:

Notre Patriarche Philarète a toujours condamné publiquement, sans équivoque et de manière très ferme TOUTE violence faite contre les biens ecclésiastiques du Patriarcat de Moscou en Ukraine.

La Vérité des faits  (vérifiables à la lumière du site officiel du patriarcat et de divers sites étrangers), est que notre Patriarche avec le concours du clergé et des fidèles travaillent à l'UNITÉ et à la réconciliation spirituelle et citoyenne du pays. 

Preuves publiques en sont les solides liens fraternels qui ont été tissés depuis de nombreuses années avec les représentants de toutes les confessions religieuses (chrétiennes et non chrétiennes) en Ukraine. Des liens positifs et prometteurs avaient d'ailleurs été tissés avec le précédent Métropolite de Kiev dépendant du Patriarcat de Moscou, Sa Béatitude Vladimir (Sabodan).

L'Eglise Orthodoxe Ukrainienne du Patriarcat de Kiev n'est pas isolée:

Rencontres fraternelles entre Sa Sainteté le Patriarche Philarète de Kiev et
feu sa Béatitude Vladimir, Métropolite de Kiev (Patriarcat de Moscou). 
Rappelons que le Métropolite Onufre est l'actuel représentant du Patriarcat de Moscou à Kiev.

Le Patriarche Philarète avec feu le Métropolite Mefodiy Kudriakov

Le Patriarche Philarète avec le patriarche greco-catholique Sviatoslav Shevchuk

Le Patriarche Philarète accueillant feu le pape Jean-Paul II de Rome

Le Patriarche Philarète faisant une déclaration commune avec le cardinal Christoph Schönborn, 
lors d'une rencontre

Le Patriarche Philarète avec divers représentants religieux


Des accusations qui défient la vérité et le bon sens:

En outre, et si l'on y réfléchi quelque peu, quel serait l'intérêt à court, moyen ou long terme pour le Patriarche Philarète d’orchestrer dans son propre territoire canonique un chaos ecclésial et de se susciter la haine d'orthodoxe spoliés de leurs églises, alors que précisément, son but est de rassembler tous les chrétiens orthodoxes au sein d'une même Eglise locale en Ukraine ?! 

L'accuser de semer la dissension, c'est affirmer qu'il travaille d'arrache-pied pour et contre les propres intérêts du Patriarcat de Kiev, contre ses propres intérêts de Chef d'Eglise...qu'il oeuvre à une Eglise locale divisée...cela n'a aucun sens!

Le remède: un peu de bon sens et d'esprit critique:

De la même manière, la façon de présenter dans les médias orthodoxe mainstream les situations de tensions tout en bichromie (comprenez les "voyous ukrainiens fanatisés du patriarcat de Kiev" contre "les frêles victimes du patriarcat de Moscou"), devrait susciter chez n'importe quel lecteur, des sentiments interrogatifs et mitigés.

Quant à nous, nous ne trouvons pas très sain la manipulation de l'émotion dans le rapport tronqué des faits pour faire adhérer les personnes à des scénari, car on se situe très loin de l'esprit de l’Évangile.

La Réalité sur le terrain: Le départ des paroisses et des fidèles vers le  Patriarcat de Kiev

Rappelons que l'Eglise Orthodoxe Ukrainienne du Patriarcat de Kiev, depuis deux ans environ, a accueilli sous son omophore, à la demande de celles-ci, près de 70 paroisses en provenance du Patriarcat de Moscou. Le dernier transfert en date dont nous avons connaissance est celui de la paroisse de Saint Nicolas.

Des convictions profondes autant que des incidents pastoraux récurrents peuvent expliquer ce mouvement général.

D'une part, une prise de conscience ecclésiale grandissant en Ukraine , les chrétiens orthodoxes du Patriarcat de Moscou souhaitent une Eglise locale unifiée (leur Eglise historique) soutenant un pays qui souffre de la guerre, de la crise économique, de la pauvreté... 

Les Ukrainiens savent qu'historiquement, c'est l'Eglise de Kiev qui est la Mère de l'Eglise de Moscou et non l'inverse. Ils savent qu'une Eglise Mère ne peut jamais être soumise à son Eglise Fille (ce que tente de faire croire avec force agitation le patriarcat de Moscou). 

Ils savent également, qu'ecclésialement,  un transfert de capitale politique (de Kiev à Moscou)  n'entraîne jamais le transfert ou n’atteint jamais l'existence, le rang ou l'autorité d'une Eglise Mère. Une Eglise-Fille apparaît alors, mais l'Eglise-Mère demeure libre. C'est le cas du transfert de la capitale de Kiev à Moscou. La capitale "déménage", mais l'Eglise, elle subsiste ( qu'on regarde le transfert de la capitale de l'Empire romain de Rome a Constantinople qui n'a pas supprimé ou subordonné l'Eglise de Rome à Constantinople ).

D'autre part, les fidèles ukrainiens sont souvent en butte à de nombreuses souffrances  qui trouvent leurs sources dans de véritables atteintes à l'esprit évangélique.

Par exemple: refus de baptiser des enfants ukrainiens dont les familles résidant dans les zones actuellement sensibles souhaitent qu'ils gardent la nationalité ukrainienne, refus d'enterrer religieusement des soldats ukrainiens mort au front pour l'Ukraine, refus de tout hommage public en mémoire des jeunes gens gens tombés pour leur pays...

Comment ces parents stigmatisés ou frappés dans leur chair réagissent-t-ils face à l’attitude anti-pastorale et anti-évangélique de l'Eglise dépendant du Patriarcat de Moscou en Ukraine? Ils vont trouver refuge dans leur Eglise locale légitime: l'Eglise orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Kiev.

Un fait qui a beaucoup marqué les ukrainiens: Lors d'une allocution officielle où était fait officiellement mémoire des soldats ukrainiens tombés au front, tout le public et tous les représentants religieux chrétiens et non chrétiens se lèvent pour applaudir et rendre hommage. Seuls les représentants officiel de l'Eglise en Ukraine dépendant du Patriarcat de Moscou restent ostensiblement assis (le métropolite Onufre tenant une canne accompagné d'un métropolite et d'un autre ecclésiastique) . C'est devant ce type d'outrage public que les orthodoxes ukrainiens rejoignent en masse leur Eglise locale légitime et naturelle, celle du Patriarcat de Kiev. 

Comme le rapporte le site RISU (site général d'informations religieuses en Ukraine) dans un de ces articles récents, le Patriarcat de Kiev souligne que les dirigeants de l'Eglise du Patriarcat de Moscou en Ukraine, à la fois dans leurs centres de décisions et sur le terrain, rejettent catégoriquement toutes les propositions de dialogue avec le Patriarcat de Kiev et ses fidèles, ne parlant que la langue de l'ultimatum et ignorant la volonté réelle de leurs propres paroissiens de quitter la juridiction du Patriarcat de Moscou.

Des réactions de plus en plus crispées de la part du Patriarcat de Moscou:

Face à l'hémorragie de ses paroisses et de ses fidèles en Ukraine, le Patriarcat de Moscou, à défaut de pouvoir l'arrêter, durcit le ton, exerce des pressions, s'allie et capte la parole de chefs d'Eglises (Serbie, Antioche...) pour tenter d'isoler totalement notre Eglise et d'empêcher par tous les moyens en sa possession l'inéluctable : la reconnaissance par les autres Eglise locales de l'autocéphalie de l'Eglise du Patriarcat de Kiev et sa communions avec toutes les Eglises-Soeurs. 

"Perdre" l'Ukraine pour le Patriarche Kyrill de Moscou et pour l'Eglise russe, c'est perdre des millions de fidèles, des moyens matériel conséquents...; c'est donc perdre mécaniquement de l'aura et du leadership dans le concert des Eglises orthodoxes; c'est revenir à sa place naturelle (historique et canonique). On comprends mieux alors ce déchaînement du patriarcat de Moscou et l'agitation des services de presse affidés, qui sont proportionnels à mesure que croît la taille et la vitalité de l'Eglise Ukrainienne du Patriarcat de Kiev. 

Notons également que le Patriarche de Moscou reproche amèrement au Patriarcat de Constantinople d'entretenir le moindre contact avec notre Eglise et de dépêcher des évêques en Ukraine pour entendre ce que notre Eglise a à dire et ce qu'elle a à proposer en vue d'une Réconciliation et d'une Eglise Orthodoxe Ukrainienne unifiée. Ce n'est pas la première fois que Moscou menace de rupture de communion si le Patriarcat de Constantinople venait à reconnaître l'Eglise Orthodoxe Ukrainienne du Patriarcat de Kiev. Il nous semble que l'agressivité et le chantage pour de sombre questions de leadership n'apporteront rien de constructif et de positif pour l'Eglise Orthodoxe du Christ. Ce qui nous demandons, c'est le respect des principes de l'ecclésiologie orthodoxe, des canons et de l'Histoire.

Rappelons-le encore et encore s'il en était besoin: Historiquement et de manière irréfutable l'Eglise du Patriarcat de Moscou est la fille de l'Eglise du Patriarcat de Kiev. Comment se fait-il qu'une Fille traite aussi mal sa Mère? La loi du plus fort écrasant le plus fragile n'a pas sa place dans la Tradition orthodoxe. Dieu vois tout. Cela est notre plus grande consolation consolation.

Synaxe des métropolites et des évêques autour de Sa Sainteté Philarète, 
Patriarche de Kiev et de toute la Rus' Ukraine.

Carte et état des lieux de l'Eglise orthodoxe Ukrainienne du patriarcat de Kiev:

Aujourd'hui l'Eglise Orthodoxe Ukrainienne du patriarcat de Kiev sert le peuple Royal en Ukraine. 

Elle compte des croyants de toutes nationalité.Notre Eglise est en effet implanté dans plusieurs pays: Etats-Unis, Canada, Allemagne, France, Italie, Grèce... 

Le Patriarcat compte plus de 10 millions de fidèles en Ukraine. En comparaison Le Patriarcat de Moscou en Ukraine compte environ 5 millions.

Elle compte une quarantaine d'évêques, un conseil ecclésiastique supérieur, plusieurs institutions synodales, une trentaine de diocèses (en Ukraine + communautés à l'étranger), environ 4000 paroisses réparties sur tout le territoire ukrainien. Ce chiffre est constante augmentation au vue du passage des communautés de croyants sous l'omophore du Patriarcat de Kiev.

Elle compte une dizaine de monastères et plusieurs centres de formation:
Les académies de théologie (Séminaire) de Kiev, de Lviv de Volyn, de Rivne
Un département de théologie au sein de l'Université nationale de Tchernivtsi
Un Institut de Théologie ( à Ivano-Frankivsk)

A kiev en 2006, à la suite d'un grand sondage dans la ville de Kiev 52% des personnes interrogées se réclamaient au Patriarcat de Kiev contre 8% se réclamant du patriarcat de Moscou.

Un certains nombre d'Eglises locales vivent actuellement la même situation que l'Eglise d'Ukraine (Macédoine, Monténégro...) d'autres ne sont reconnues que partiellement (par certaines Eglises et pas par d'autres). Beaucoup en occident s'en questionnent parcequ'on ignore tout de l'ecclésiologie orthodoxe, du processus de reconnaissance et de la distinction à tenir entre canonicité charismatique et canonicité administrative.

L'attitude de notre Eparchie

Elle est de prier pour notre Patriarche qui avec beaucoup de dignité mène un combat courageux. Elle est aussi de prier pour ceux qui se font nos ennemis, qui nous mal jugent , nous méprisent alors que leur propres Eglise sont passées par le même martyre. Il semble que cette phase douloureuse soit consubstantielle à la reconnaissance de l'autocéphalie d'une Eglise par les autres.

Quotidiennement et avec instance, au cours de prières spécifiques, nous demandons au Seigneur qu'Il accorde à Ses Eglises, le grand don de l'Unité et la Paix et d'un profonde Amour réciproque, signe que nous sommes les disciples du Christ. 

Sur la terre de France ou sont implantées plusieurs juridictions, notre attitude de moines ne variera pas: Nous conduire comme des Frères avec tous, prier pour l'Unité, pour la Charité. Chaque Frère orthodoxe, clerc ou laïc sait qu'il sera accueilli avec amitié et chaleur dans le Seigneur: nos bras resteront ouverts, et nos mains levées vers le Ciel pour qu'un jour toutes ces juridictions finissent, selon l'Esprit de l'Eglise, par former une Eglise locale qui rassemblera Ses Enfants.

Le monde a tant besoin pour son Salut d'Unité et de Paix, car il a faim et soif du Christ. Si nous orthodoxes, qui sommes l'Eglise du Christ, nous ne manifestons pas l'Unité catholique, qui la manifestera? Moins de discours, davantage d'actes posés.


Au nom de son Éminence le Métropolite Michel de Paris et de toute la France: 
Archimandrite Amphilochios , Higoumène du Monastère de l’Archistratège Michel de Marseille. 


LIENS

Sites d'informations

Site de notre Patriarcat:
http://www.cerkva.info/en.html

Pages de sites:
http://www.cerkva.info/uk/web-sites/site-uoc-kp.html

RISU: Site officiel d'informations religieuses:
http://risu.org.ua/en/index/all_news/orthodox/uoc_kp

Articles de fonds

Blog du Métropolite Laroche:
http://leblogdumetropolitemichellaroche.blogspirit.com/


Article de base (accessible et passionnant) pour comprendre la situation ecclésiologique:" Kiev, la Mère de toutes les Eglises Rous’ : l’expression d’un principe ecclésiologique ancien."
http://leblogdumetropolitemichellaroche.blogspirit.com/archive/2014/09/14/kiev-la-mere-de-toutes-les-eglises-rous-l-expression-d-un-pr-3016148.html

Dernier article paru sur les "évènements" de la Synaxe  intitulé: "Comment Daesh empoisonne les relations inter-orthodoxes"
http://eparchie-orthodoxe-de-paris-france-ukraine.blog4ever.com/articles/comment-daech-empoisonne-les-relations-inter-orthodoxes